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Quel dialogue avec les groupes armés ?
Si la question a pu susciter des débats juridiques, le DIH s’applique bien aux groupes
armés dans la mesure où il ne vaut pas pour les États mais pour les belligérants .
Quand bien même l’application des conventions de Genève poserait des questions, les
principes de droit coutumier continueraient de s’appliquer.
La prépondérance des groupes armés non étatiques dans les conflits contemporains
rend leur prise en compte incontournable dans la diffusion du DIH . C’est le cas dans
de nombreux États, y compris en RCA où vos rapporteurs se sont rendus et où les
affrontements armés sont quasi exclusivement le fait de ces groupes : quatorze groupes
« officiels », plus nombreux dans les faits et présents pour certains depuis des décennies.
Le dialogue avec ces groupes, aussi différents soient-ils dans leur fonctionnement et dans
les buts poursuivis, doit permettre la diffusion du DIH et, idéalement, sa bonne
application. Si la position de neutralité du CICR permet à ses délégations de traiter avec
toutes les parties aux conflits, le dialogue avec les groupes armés passe aussi par l’action
de certaines organisations, telles que l’ONG l’Appel de Genève et le Centre Henry
Dunant pour le dialogue humanitaire, dont vos rapporteurs ont pu échanger avec les
représentants à Genève.
L’Appel de Genève, en s’appuyant sur la neutralité suisse, a élaboré quatre actes
d’engagements ouverts à l’adoption des groupes armés , et portant respectivement sur
les mines anti-personnel, les enfants soldats, les violences sexuelles, et la protection des
structures de santé et des missions médicales. Un mécanisme de suivi existe pour
surveiller le respect des engagements pris par cinquante-huit groupes signataires, et les
actes d’engagement sont en ce sens cosignés avec le gouvernement du canton de Genève.
En cas de non-respect des engagements pris, c’est le dialogue qui est privilégié. La
possibilité d’une dénonciation publique est un ultime recours qui, contraire à la
philosophie de l’organisation, n’a jamais été utilisée mais figure dans les actes
d’engagement. En outre, l’Appel de Genève peut aider les groupes armés à mettre en
œuvre des mécanismes de sanction interne.
L’organisation travaille aussi sur d’autres thématiques, dont les obligations des groupes
armés vis-à-vis des personnes déplacées et la protection du patrimoine culturel, et aide
les groupes armés à adopter ou réviser des codes de conduite. Elle est présente dans
quinze pays où des missions de terrain sont menées, en liens avec les groupes armés mais
aussi avec la société civile. Elle veille à ne jamais s’engager avec les groupes armés dans
des discussions politiques, qui ne sont pas de son ressort. Surtout, le dialogue engagé
n’implique en aucun cas de reconnaissance officielle de ces groupes et leurs actions.
Les motivations des groupes armés ont un impact sur leur capacité à dialoguer . Avec
les groupes à l’idéologie nihiliste, le dialogue peut être très difficile voire impossible.
L’Appel de Genève a malgré tout mis en place des outils innovants de dialogue, à l’instar
d’un jeu sous forme d’application mobilisant douze principes fondamentaux du DIH, et
qui permet notamment de toucher les plus jeunes membres.
Le Centre Henry Dunant pour le dialogue humanitaire est un centre de diplomatie privée
qui cherche à aller au-delà du spectre de la diplomatie traditionnelle, en dialoguant avec
des acteurs comme les groupes armés. Le centre n’intervient que sur mandat des parties,
et dans une fonction de médiateur. Une activité de longue date est conduite dans certains
pays comme le Mali, et un dialogue a été mis en place au niveau du G5 Sahel entre
environ 1 000 organisations de jeunesse. Au Mali, le Centre a été mandaté par les
signataires de l’Accord d’Alger pour faciliter le dialogue avec et entre les groupes armés.