Pas facile d’attraper Jean-Michel Wilmotte
au vol ! L’architecte qui a fait de son nom
une marque internationale semble toujours
entre deux avions, entre deux projets, entre
deux rêveries…
Quand enfin on le rencontre, on a affaire
à un homme singulièrement calme.
À la fois ici et dans l’ailleurs d’une longue
réflexion, ses manières mesurées cadrent
bien avec l’idée rassurante qu’on peut se
faire d’un grand bâtisseur. Si l’on doit
parler de Jean-Michel Wilmotte, comment
donc le définir en tenant compte de deux
natures apparemment antagoniques : posé
et en mouvement constant ? Peut-être en
imaginant que son principe actif est celui
d’un nomadisme tranquille. Après tout,
n’est-ce pas la marque de tout créateur ?
Ne jamais être là où on l’attend. Des
voyages intérieurs prennent forme et
sont, dans le cas de Wilmotte, d’une telle
ampleur qu’ils lui font courir le monde…
D’une certaine façon, le passage du rêve à
la réalité est aussi de nature nomade ! On
découvrira également que, dès les prémices
de sa formation, l’idée du déplacement
signe ses va-et-vient entre architectures
extérieure et intérieure. Que vient-il faire
alors à Maurice, tête d’épingle sur une
planète qu’il ne cesse de parcourir ?
C’est un scoop ! En apothéose d’une
longue histoire sur un des plus beaux sites
de l’île, la direction du domaine Anahita
lui a demandé un travail « haute couture
» sur un programme de demeures privées.
Belle occasion de le faire parler d’un destin
qui sort de l’ordinaire.
Votre histoire correspond-elle à un
atavisme familial ou à une passion
personnelle ?
Une passion personnelle. Enfant, j’ai eu
l’occasion de rencontrer des architectes et
j’aimais leur vie et leur philosophie : penser,
réfléchir et réaliser… Je trouvais très beau
de passer du rêve au concret, à la forme,
au volume, à la réalité…
Mais alors pourquoi être entré à l’école
Camondo, réputée pour enseigner
l’architecture intérieure et le design ?
En fait, j’ai commencé par des études
d’architecture à l’Institut Saint-Luc en
Belgique, mais le métier m’est vite apparu
trop « lent » et je n’aimais pas l’idée de
dessiner aujourd’hui et réaliser deux ou
trois ans après ! Je me suis donc tourné
vers l’architecture d’intérieur, proche d’un
domaine qui m’attirait à l’époque : le décor
de cinéma. Je suis entré à Camondo à
Paris…
… dont vous sortez diplômé, mais
toujours pas officiellement architecte !
Non, mais quelques années plus tard, j’ai
eu l’opportunité de travailler au Japon où
je pensais faire de l’architecture d’intérieur
et, pas du tout !... je n’ai fait que de
l’architecture, et j’ai beaucoup construit.
Ce qui m’a permis de faire reconnaître
mes compétences par l’Ordre et devenir
officiellement architecte en 1993.
Entretemps, le succès avait commencé
avec la période prolifique du début des
années mitterrandiennes !
Cette période faste est arrivée parce que la
France avait beaucoup de retard en matière
de construction et de politique de la ville.
Ce fut donc très facile pour François
Mitterrand et Jack Lang (ministre de la
Culture à l’époque, NDLR) de lancer de
vastes programmes de musées et de grands
équipements. C’était aussi dans l’air du
temps et il faut dire que ça les servait bien,
médiatiquement !
La fameuse polémique de la Pyramide
du Louvre !
J’ai vécu au milieu de cette polémique !
J’ai travaillé quinze ans au Louvre. On a
fait tout l’aménagement sous la pyramide :
librairies, salles d’expositions temporaires,
restaurants... Puis toute la muséographie
de l’aile Richelieu et toutes les vitrines !
Tout s’est fait en binôme avec l’immense
Peï, concepteur de la Pyramide ?
Oui, bien sûr. Et par la suite, on a continué
à travailler ensemble. À l’annonce du
résultat du concours pour la construction
du Musée d’Art islamique de Doha,
au Qatar, il m’a appelé pour me dire
qu’il m’avait choisi pour réaliser la
muséographie de l’ensemble… et il m’a
emmené dans ses bagages !
Durant ces riches périodes d’activité,
avez-vous oublié votre goût pour
le design d’objets et ces rêves qui
deviennent vite réalité ?
Pas du tout, on va sortir un livre où sont
LUXURY MAURITIUS
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