Luxury Indian Ocean No3 Édition 2016 | Page 19

Pas facile d’attraper Jean-Michel Wilmotte au vol ! L’architecte qui a fait de son nom une marque internationale semble toujours entre deux avions, entre deux projets, entre deux rêveries… Quand enfin on le rencontre, on a affaire à un homme singulièrement calme. À la fois ici et dans l’ailleurs d’une longue réflexion, ses manières mesurées cadrent bien avec l’idée rassurante qu’on peut se faire d’un grand bâtisseur. Si l’on doit parler de Jean-Michel Wilmotte, comment donc le définir en tenant compte de deux natures apparemment antagoniques : posé et en mouvement constant ? Peut-être en imaginant que son principe actif est celui d’un nomadisme tranquille. Après tout, n’est-ce pas la marque de tout créateur ? Ne jamais être là où on l’attend. Des voyages intérieurs prennent forme et sont, dans le cas de Wilmotte, d’une telle ampleur qu’ils lui font courir le monde… D’une certaine façon, le passage du rêve à la réalité est aussi de nature nomade ! On découvrira également que, dès les prémices de sa formation, l’idée du déplacement signe ses va-et-vient entre architectures extérieure et intérieure. Que vient-il faire alors à Maurice, tête d’épingle sur une planète qu’il ne cesse de parcourir ? C’est un scoop ! En apothéose d’une longue histoire sur un des plus beaux sites de l’île, la direction du domaine Anahita lui a demandé un travail « haute couture » sur un programme de demeures privées. Belle occasion de le faire parler d’un destin qui sort de l’ordinaire. Votre histoire correspond-elle à un atavisme familial ou à une passion personnelle ? Une passion personnelle. Enfant, j’ai eu l’occasion de rencontrer des architectes et j’aimais leur vie et leur philosophie : penser, réfléchir et réaliser… Je trouvais très beau de passer du rêve au concret, à la forme, au volume, à la réalité… Mais alors pourquoi être entré à l’école Camondo, réputée pour enseigner l’architecture intérieure et le design ? En fait, j’ai commencé par des études d’architecture à l’Institut Saint-Luc en Belgique, mais le métier m’est vite apparu trop « lent » et je n’aimais pas l’idée de dessiner aujourd’hui et réaliser deux ou trois ans après ! Je me suis donc tourné vers l’architecture d’intérieur, proche d’un domaine qui m’attirait à l’époque : le décor de cinéma. Je suis entré à Camondo à Paris… … dont vous sortez diplômé, mais toujours pas officiellement architecte ! Non, mais quelques années plus tard, j’ai eu l’opportunité de travailler au Japon où je pensais faire de l’architecture d’intérieur et, pas du tout !... je n’ai fait que de l’architecture, et j’ai beaucoup construit. Ce qui m’a permis de faire reconnaître mes compétences par l’Ordre et devenir officiellement architecte en 1993. Entretemps, le succès avait commencé avec la période prolifique du début des années mitterrandiennes ! Cette période faste est arrivée parce que la France avait beaucoup de retard en matière de construction et de politique de la ville. Ce fut donc très facile pour François Mitterrand et Jack Lang (ministre de la Culture à l’époque, NDLR) de lancer de vastes programmes de musées et de grands équipements. C’était aussi dans l’air du temps et il faut dire que ça les servait bien, médiatiquement ! La fameuse polémique de la Pyramide du Louvre ! J’ai vécu au milieu de cette polémique ! J’ai travaillé quinze ans au Louvre. On a fait tout l’aménagement sous la pyramide : librairies, salles d’expositions temporaires, restaurants... Puis toute la muséographie de l’aile Richelieu et toutes les vitrines ! Tout s’est fait en binôme avec l’immense Peï, concepteur de la Pyramide ? Oui, bien sûr. Et par la suite, on a continué à travailler ensemble. À l’annonce du résultat du concours pour la construction du Musée d’Art islamique de Doha, au Qatar, il m’a appelé pour me dire qu’il m’avait choisi pour réaliser la muséographie de l’ensemble… et il m’a emmené dans ses bagages ! Durant ces riches périodes d’activité, avez-vous oublié votre goût pour le design d’objets et ces rêves qui deviennent vite réalité ? Pas du tout, on va sortir un livre où sont LUXURY MAURITIUS 17