Séduisantes dans leurs atours de bois,
distinguées dans leur costume de pierre,
protégées par leurs varangues ombragées,
les vieilles demeures de Maurice ont l’allure
de grandes dames. Bicentenaires, voire
tricentenaires, elles ont essuyé bien des
tempêtes et défient l’horloge du temps
de leur charme suranné.
Nées pour la plupart au XIXe siècle, ces
belles dames se sont nourries de l’histoire
de Maurice et de celle des familles qui s’y
sont succédé, forgeant ainsi le destin de l’île.
Aujourd’hui, elles témoignent d’un passé
colonial franco-britannique révolu.
Édifiées par les Français sur les hauts
plateaux loin des côtes infestées par la
malaria et dans les propriétés sucrières,
elles se cachent bien souvent à l’intérieur de
beaux domaines verdoyants. Élégantes dans
leur architecture à la française comme une
réminiscence d’une vie de château laissée
derrière soi, elles n’en sont pas moins tenues
de s’adapter aux contraintes tropicales de
l’île. Les charpentiers de marine, reconvertis
en architectes, ont donc dû composer
avec le climat et les éléments naturels
de l’île, pour en tirer quelques principes
de construction.
C’est ainsi que toutes les demeures reposent
sur un soubassement en pierre de basalte
qui protège les sols de l’humidité et des
inondations. Les façades rectilignes en
pierre de taille se voient chapeautées
de toits en bardeaux à quatre pans dont
certaines charpentes proviennent de
bateaux démolis. Avec leur inclinaison
de 45°, l’eau glisse comme sur une feuille
de brède songe favorisant ainsi l’évacuation
des pluies parfois torrentielles et offrant
une meilleure résistance aux alizés et aux
cyclones.
L’agencement des pièces intérieures est
souvent symétrique et proscrit les couloirs
pour une ventilation naturelle des espaces
grâce à l’alignement transversal des portes
et fenêtres. Les lucarnes des combles créent
comme un coussin d’air (selon l’expression
de Jean-Pierre Lenoir) qui préservent
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l’intérieur d’une chaleur accablante en
été. Les portes et volets se teintent en
Wedgwood Blue : un suave gris-bleu-vert
obtenu par le mélange de permanganate à la
chaux pour protéger le bois des termites.
Courant le long des façades, les varangues
sont emblématiques de l’art de vivre sous les
tropiques. Ces galeries extérieures offrent
aux hôtes le confort d’un lieu de vie en
plein air tout en étant abrité du soleil et des
intempéries. Salons en rotin et fauteuils
de planteurs sont disposés pour converser,
prendre le thé et se reposer d’une journée
de labeur. Souvent circulaires, elles sont
assorties de colonnes et de balustrades en
fer forgé dans l’esprit des maisons coloniales
de Caroline du Sud. Certains propriétaires
les ont même dotées d’un auvent qui
donne encore plus de prestige à la maison
et permet d’accueillir leurs invités en haut
du perron. Le sol, mosaïque de carrelage
bicolore, apporte une note colorée à l’édifice
qu’un jeu d’ombres et de lumières vient
chatoyer du matin au soir dans une douceur
de vivre.
Les maisons sont vastes et spacieuses,
généralement sur deux étages. Les pièces
de réception aux parquets somptueux
sont conçues pour recevoir les nombreux
invités et donnent sur des jardins dessinés
à la française ou luxuriants de plantes
endémiques et d’arbres centenaires.
À l’écart, les cuisines et les pièces d’eau se
cachent du corps principal de la demeure.
Sans transiger sur les grands principes
de construction, ces grandes dames
n’oublient pas pour autant d’être coquettes
en succombant aux tendances décoratives
et multiculturelles qui leur donnent une
identité personnelle. Pignons et tourelles
éclosent sur les toits, les frises des varangues
et des auvents se dentellent d’arabesques, les
corniches se parent de lambrequins, festons
en fer blanc, les balustrades sont le jouet des
ferronniers d’art… Sous l’influence anglaise,
les bow windows et les vérandas d’hiver
viennent agrémenter ces bâtisses au style
français plus sobre.
LUXURY MAURITIUS