Luxury Indian Ocean No2 Édition 2015 | Page 107

Séduisantes dans leurs atours de bois, distinguées dans leur costume de pierre, protégées par leurs varangues ombragées, les vieilles demeures de Maurice ont l’allure de grandes dames. Bicentenaires, voire tricentenaires, elles ont essuyé bien des tempêtes et défient l’horloge du temps de leur charme suranné. Nées pour la plupart au XIXe siècle, ces belles dames se sont nourries de l’histoire de Maurice et de celle des familles qui s’y sont succédé, forgeant ainsi le destin de l’île. Aujourd’hui, elles témoignent d’un passé colonial franco-britannique révolu. Édifiées par les Français sur les hauts plateaux loin des côtes infestées par la malaria et dans les propriétés sucrières, elles se cachent bien souvent à l’intérieur de beaux domaines verdoyants. Élégantes dans leur architecture à la française comme une réminiscence d’une vie de château laissée derrière soi, elles n’en sont pas moins tenues de s’adapter aux contraintes tropicales de l’île. Les charpentiers de marine, reconvertis en architectes, ont donc dû composer avec le climat et les éléments naturels de l’île, pour en tirer quelques principes de construction. C’est ainsi que toutes les demeures reposent sur un soubassement en pierre de basalte qui protège les sols de l’humidité et des inondations. Les façades rectilignes en pierre de taille se voient chapeautées de toits en bardeaux à quatre pans dont certaines charpentes proviennent de bateaux démolis. Avec leur inclinaison de 45°, l’eau glisse comme sur une feuille de brède songe favorisant ainsi l’évacuation des pluies parfois torrentielles et offrant une meilleure résistance aux alizés et aux cyclones. L’agencement des pièces intérieures est souvent symétrique et proscrit les couloirs pour une ventilation naturelle des espaces grâce à l’alignement transversal des portes et fenêtres. Les lucarnes des combles créent comme un coussin d’air (selon l’expression de Jean-Pierre Lenoir) qui préservent 107 l’intérieur d’une chaleur accablante en été. Les portes et volets se teintent en Wedgwood Blue : un suave gris-bleu-vert obtenu par le mélange de permanganate à la chaux pour protéger le bois des termites. Courant le long des façades, les varangues sont emblématiques de l’art de vivre sous les tropiques. Ces galeries extérieures offrent aux hôtes le confort d’un lieu de vie en plein air tout en étant abrité du soleil et des intempéries. Salons en rotin et fauteuils de planteurs sont disposés pour converser, prendre le thé et se reposer d’une journée de labeur. Souvent circulaires, elles sont assorties de colonnes et de balustrades en fer forgé dans l’esprit des maisons coloniales de Caroline du Sud. Certains propriétaires les ont même dotées d’un auvent qui donne encore plus de prestige à la maison et permet d’accueillir leurs invités en haut du perron. Le sol, mosaïque de carrelage bicolore, apporte une note colorée à l’édifice qu’un jeu d’ombres et de lumières vient chatoyer du matin au soir dans une douceur de vivre. Les maisons sont vastes et spacieuses, généralement sur deux étages. Les pièces de réception aux parquets somptueux sont conçues pour recevoir les nombreux invités et donnent sur des jardins dessinés à la française ou luxuriants de plantes endémiques et d’arbres centenaires. À l’écart, les cuisines et les pièces d’eau se cachent du corps principal de la demeure. Sans transiger sur les grands principes de construction, ces grandes dames n’oublient pas pour autant d’être coquettes en succombant aux tendances décoratives et multiculturelles qui leur donnent une identité personnelle. Pignons et tourelles éclosent sur les toits, les frises des varangues et des auvents se dentellent d’arabesques, les corniches se parent de lambrequins, festons en fer blanc, les balustrades sont le jouet des ferronniers d’art… Sous l’influence anglaise, les bow windows et les vérandas d’hiver viennent agrémenter ces bâtisses au style français plus sobre. LUXURY MAURITIUS