DÉCOUVERTE
LES FRÈRES JOSEPH,
DU SEL ET DES MUSCLES
Samuel et Mathieu Joseph ont remporté les Jeux de la Francophonie l’année dernière
avec « Disel ». Le duo annonce une nouvelle vague sur la scène artistique mauricienne ;
une mouvance qui se fond dans le patrimoine.
SALT, SWEAT AND MUSCLE: THE JOSEPH BROTHERS – Samuel and Mathieu
Joseph’s ‘Disel’ won gold at the Jeux de la Francophonie last year. The duo herald a new
wave in Mauritian art: one that is intertwined with heritage rather than ahistorical.
PAR ALEXANDRA ISAACS
Le voyage de « Disel » débute quand Samuel trouve un panier en
osier. Enfant, il regardait les hommes qui utilisaient ces paniers pour
le lavage du sable avant la préparation du ciment. Les deux frères sont
ensuite tombés sur un documentaire relatif aux paniers conçus par
Percy Yip Tong, leur emblématique manager. « C’était un moment
symbolique : des paniers qui appartenaient au passé, les nouveaux qui
ne seront plus utilisés » (les salines de Tamarin fermeront en 2015).
Percy facilita l’accès des frères au site. Ils ont observé les employés
pendant plusieurs mois. Ils ont étudié leurs postures, la façon dont
ils plaçaient leurs membres. Ils ont discuté avec les habitants de
Tamarin, leur demandant ce que les paniers représentaient pour eux.
C’est ce sentiment de perte, associé à une vibration intemporelle, qui
apporte une telle intensité à leur danse : c’est un produit purement
mauricien entre passé et présent. « Quand je dis que je remercie tous
ceux qui m’ont aidé à créer cette chorégraphie, je pense à l’île Maurice
dans toutes ses composantes », m’explique Samuel. Chaque élément
de « Disel » est un produit de l’artisanat mauricien : Emilien Jubeau
a créé les tenues, le groupe local Lespri Ravann a produit la musique.
Ce n’est pas une première pour les frères d’être repérés et
récompensés pour leur talent. C’est leur seconde médaille aux Jeux de
la francophonie. Formés dans des troupes de danse à travers l’Europe,
ils sont allés jusqu’en Corée du Sud pour des compétitions (ils ont
terminé 2 ème sur 500), dans des circonstances souvent difficiles (nuits
dans les studios, voyage à leurs frais). Les frères, originaires de cité
Mangalkhan, ont débuté en dansant dans les hôtels dès l’âge de
7 ans, poussés par leur père conscient de leur talent inné. Abandonnant
l’école tôt, ils se sont entraînés avec les meilleurs talents locaux, ont
voyagé avec des troupes de danse autour du monde, avant de créer
leur propre troupe. « Disel » a été conçu sans un vrai studio, sans
miroirs adéquats. « Nous étions le miroir de l’autre », racontent-ils.
Lors de la soirée précédant leur départ pour les Jeux, une tragédie
a frappé les frères : le décès de leur sœur. Ils n’ ont pas renoncé et
ont réussi leur performance - témoignage de leur passion pour leur
métier et de leur grand talent. Ils espèrent désormais recevoir plus de
soutien de la part des institutions afin que les artistes locaux puissent
s’épanouir. Leur plus grand souhait serait d’avoir un jour un studio et
un centre artistique, ouverts à tous, à toute heure.
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‘Disel’ really began when Samuel found a wicker basket. As a child,
he remembered watching men use these baskets to wash sand before
preparing concrete. The brothers then stumbled on a documentary
on the salt pans made by Percy Yip Tong, their manager and
producer extraordinaire. “It felt right: the baskets that are no longer
used, the pans that were about to close” (‘Les Salines de Tamarin’
shuts down in 2015). Percy helped the brothers gain access to the
pans, where they observed the staff for several months. They studied
the way they held themselves, the way they placed their limbs. They
talked to the people living in Tamarin, asked them what the pans
meant to them. It’s that sense of loss, coupled with the timeless,
indissoluble vibrancy of what was that gives the dance such insane
force: it is a product of Mauritius as a collective, past and present.
“When I say I thank everyone who helped me in creating this piece,
I really mean Mauritius as a whole,” Samuel tells me. Each element
of ‘Disel’ was a product of Mauritian craftsmanship: Emilien Jubeau
created the clothes, local band Lespri Ravann produced the music.
This is not the first time the brothers’ talent has been noticed and
rewarded. It’s their second gold medal won in the Francophone
Games. They have trained with dance companies around Europe,
and have even gone as far as South Korea for competitions (where,
among 500 artists of all disciplines, they finished second). They have
done it all, amid challenging circumstances – sleeping in studios,
travelling at their own expense. The brothers, who hail from Cité
Mangalkhan, started dancing in hotels at the age of seven, after
their father instructed them to nurture their gift. They left school
early and trained with the best local talent, travelled with dance
companies around the world before setting up their troupe. ‘Disel’
was conceived without a proper studio, without any adequate
mirrors - “We were each other’s mirrors,” they say. The night before
they left for the Games, personal tragedy befell the brothers: their
sister passed away. That they went ahead – and performed as they
did – is nothing short of a marvel, and a testimony to their discipline
and wondrous talent. They hope to garner more support from
institutions, so that local artists may thrive. Their greatest wish is to
open a dance studio and arts centre one day, which would be open
to all, at all hours.