DÉCOUVERTE
PROTÉGER NOS ÎLES
un arpent à la fois
Owen et Mary-Ann Griffiths se sont donné une mission. Ce couple australo-mauricien est à la pointe
concernant la conservation de la biodiversité et l'éducation en la matière à travers l'océan Indien,
avec des projets à l'île Maurice, à Rodrigues et à Madagascar.
PROTECTING OUR ISLANDS, AN ACRE AT A TIME – Owen and Mary-Ann Griffiths are on
a mission. The Australian-Mauritian couple are at the forefront of biodiversity conservation and
education efforts in the Indian Ocean, with projects in Mauritius, Rodrigues and Madagascar.
PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRA ISAACS
« L'île Maurice est l'un des endroits les plus dévastés
écologiquement au monde », annonce le biologiste Vincent
Florens. Comment vous impliquez-vous dans la conservation ?
Mary-Ann : Owen était biologiste en Australie. Nous nous sommes
rencontrés là-bas avant de revenir à Maurice en 1984.
Owen : Nous avons créé Bioculture Ltd, où nous élevons des singes et
des crocodiles à des fins de recherche biomédicale. Moralement, nous
avons toujours pensé que si nous vivions grâce à la nature, alors nous
devrions lui apporter quelque chose en retour. Au fur et à mesure, nous
nous sommes impliqués davantage dans la conservation, pour l'amour
de la conservation.
Mary-Ann : Nous sommes accompagnés par une équipe brillante. Le
Dr Christine Griffiths (sans relation avec nous !) est la chef de projet
Conservation à Ebony Forest, par exemple. Elle a travaillé avec la
Mauritius Wildlife Foundation pendant une dizaine d'années.
Owen : Nos efforts de conservation sont également évolutifs, dans
le sens où lorsque nous avons démarré La Vanille Crocodile Park,
nous avons commencé par élever des tortues géantes. Nous n'avions
jamais pensé à Rodrigues. L'élevage de ces tortues était si efficace
que nous nous sommes mis à penser qu'il serait possible de le faire
pour toutes – et Rodrigues nous est apparu comme l'endroit idéal
(note : quand François Leguat est arrivé pour la première fois
à Rodrigues en 1691, il nota qu'il y avait tant de tortues sur l'île
que l'on pourrait faire une centaine de pas sur leurs carapaces sans
jamais toucher le sol. À cause de la dévastation écologique de l'île,
beaucoup de ces tortues ont aujourd'hui disparu). Nous avons recréé
l'écosystème original de l'île, dans la Réserve de Tortues Géantes de
François Leguat.
Comment est née Ebony Forest ?
Owen : Je suis très intéressé par les escargots. Un tiers des escargots
des Mascareignes ont disparu, et un tiers se trouve en danger critique.
Leur extinction est causée par les problèmes classiques : destruction des
forêts, espèces invasives... J'ai commencé à lister les raisons causant la
disparition de leur habitat, ce qui nous a amenés à réfléchir aux forêts
indigènes mauriciennes et à ce que nous pouvons faire d'elles. Nous
avons acquis notre premier bloc de forêt il y a une quinzaine d'années,
à La Vallée de l'est et depuis, nous le restaurons. Cette restauration
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implique deux points : retirer les espèces envahissantes et replanter des
espèces indigènes, que nous faisons grandir dans nos pépinières. Nous
avons fait l'acquisition d'Ebony Forest (à Chamarel) en 2006 et grâce
à nos efforts de restauration, elle est devenue un site d'éco-tourisme
et d'éducation (notamment avec des programmes adaptés à différentes
tranches d'âge).
Mary-Ann : Une étape essentielle consiste à obtenir des semis de la
forêt, ceux qui ne s'y dév elopperont pas car ils seront mangés par tous
les animaux introduits. Nous récupérons ces plants et les cultivons
par centaines, et une fois qu'ils sont prêts nous les replantons. (note :
depuis 2006, ils ont désherbé 13 hectares et cultivé plus de 130 000
plantes indigènes).
Racontez-nous vos initiatives à Madagascar ?
Owen : Nous avons créé notre ONG là-bas en 2003, pour soutenir nos
efforts de conservation. Nous travaillons avec des communautés locales
pour protéger deux forêts menacées, Beanka et Sahafina.
Mary-Ann : On trouve des singes indigènes à Madagascar. Nous avons
souhaité les aider car ils sont en grand danger.
Owen : L'exploitation forestière et la chasse sont illégales à Madagascar,
mais ces lois sont mal appliquées. Mais si vous êtes présent et que vous
impliquez la communauté locale dans la protection des forêts, cela
dissuadera les gens de mener des activités illégales.
Mary-Ann : En raison du niveau de pauvreté de Madagascar, il faut
prendre le temps d'observer la manière dont les gens vivent. Il faut leur
offrir des alternatives, des conseils pour cultiver leur propre nourriture
– élever des poules, par exemple. Ainsi, on leur donne du pouvoir.
Ceux qui travaillent pour nous gagnent parfois un salaire pour la toute
première fois de leur vie.
Owen : Aujourd'hui, nous voulons réintroduire à Madagascar des
tortues géantes d'Aldabra, dans notre réserve de Sokatra Be (« tortue
géante » en malgache) à Beanka. Nous œuvrons également pour
protéger des tortues angonoka, une espèce en danger critique très
prisée des braconniers pour leur écailles gulaires du plastron. Quand les
tortues sont sauvées, au lieu de les ramener à Madagascar (il est difficile
de les y reconduire), nous leur donnons une maison dans notre réserve
de Rodrigues, qui est désormais le centre de sauvetage international de
l'espèce.