VISION
Le 12 mars 1968 , la déclaration d ’ indépendance de l ’ île Maurice est proclamée . Vous avez à l ’ époque 31 ans . Où étiezvous ? Quelle a été votre réaction ? J ’ étais en France , j ’ ai eu une réaction d ’ admiration pour Sir Seewoosagur Ramgoolam , Premier ministre de l ’ île Maurice . Étant né à Curepipe et détenteur d ’ un passeport mauricien et français , j ’ étais très heureux et très fier de mon pays qui était déjà doté d ’ un double héritage français et british . À l ’ époque , j ’ étais directeur des Applications de la Recherche à l ’ Institut Pasteur à Paris . C ’ était vraiment pour moi une bonne nouvelle . Bien sûr , je savais que nous perdions nos avoirs dans l ’ industrie sucrière mais je n ’ étais pas inquiet . Dans les familles traditionnelles , la peur de perdre une partie de leur patrimoine était grande . Certaines ont quitté le pays , d ' autres sont parfois revenues et leurs enfants ont repris confiance dans le régime .
Vous êtes né à Curepipe d ’ un père mauricien et d ’ une mère russe . J ’ imagine que vous avez passé , enfant , de belles années à Maurice ? En réalité , j ’ ai quitté Maurice à 2 ans . Mon père s ’ occupait des champs de l ’ exploitation sucrière mais il ne pensait qu ’ à peindre . Il a voulu tenter son aventure d ’ artiste en France . Je retrouvais l ’ univers mauricien dans l ’ atelier de mon père à Paris , le chant des bulbuls , des animaux empaillés , des poissons , mais ce n ’ est qu ’ à 16 ans que je suis retourné à Maurice pour passer les vacances avec mon frère Arnaud ** . Le château de la Villebague , maison familiale en bardeaux blancs , nous accueille à Pamplemousse avec tout son exotisme , les fruits du jardin , le chant des oiseaux … Notre plage était celle de Grand Sable à Grand Baie , près du Royal Palm . Dès les années 1960 , avec mon frère on découvre le surf à Tamarin et encore maintenant , je ne manque pas d ’ y aller chaque fois que je viens à Maurice . Santosha est l ’ une des plus belles vagues du monde . Elle est plus longue que celle d ’ Hossegor . Elle se brise en roulant , en restant ouverte . On peut évoluer sur la vague avant qu ’ elle n ’ éclate en mousse . C ’ est un spot très connu dans le monde et j ’ ai de la chance comme je suis Mauricien , les locaux me comptent parmi les leurs . Ils ne me chassent pas comme les étrangers .
" La meilleure façon de prédire le futur , c ’ est de l ’ inventer "
Dès 2000 , vous initiez le concept de « Smart Mauritius , île numérique » repris par le gouvernement actuel . De 2007 à 2013 , vous êtes conseiller du premier ministre Navin Ramgoolam pour le projet « Maurice île durable ». Puis , quelques années plus tard , surprise , le jour même de l ’ anniversaire des cinquante ans de l ’ indépendance , vous apprenez que vous allez recevoir la plus grande décoration de l ’ île , celle de Grand
Commander of the Star and Key of the Indian Ocean . Qu ’ en estil du projet « Maurice île durable » maintenant que l ’ actuel premier ministre , Pravind Jugnauth , est disposé à recevoir vos conseils ? Le projet n ’ a jamais été au point mort . J ’ ai été déçu de voir comment le pays s ’ est mis , à un moment donné , en retrait de ce projet . Les lobbies avaient pris le dessus , ils forment encore une opposition très puissante … L ’ anti-corruption va mieux , pas beaucoup mieux , il faut encore être très prudent sur cette question , mais le socle de « Maurice île durable » est posé . Les budgets vont-ils être votés ? Le politique va-t-il prendre le pas sur les lobbies ? Une chose est certaine : la nouvelle génération y croit , celle des 40-50 ans dans l ’ industrie du tourisme se sent très concernée . Le groupe Rogers , les frères Arnaud et Jean-Pierre Dalais , sont par exemple très motivés . Le pays est jeune , mature et structuré , et j ’ ai un grand espoir pour un homme que j ’ admire beaucoup , Nando Bodha , l ’ actuel ministre des transports . Il a été présentateur à la télévision , président de parti . Je vois beaucoup d ’ avenir dans ce genre d ’ homme . Il connaît le pays , s ’ intéresse au développement durable , au business international . C ’ est un grand communiquant . Il a déjà fait beaucoup pour le pays .
Dans 50 ans , quel avenir voyez-vous pour Maurice ? Maurice est un microcosme du monde . Sa multiplicité culturelle , cinq ethnies , cinq religions en fait un pays unique . C ’ est l ’ un des rares pays dits émergents qui a limité sa natalité quelles que soient les religions . Un million et demi d ’ habitants , c ’ est pratiquement comme en 1958 . Le créole unit les ethnies , Chinois , Indiens , Européens … Tout le monde parle la même langue , a une même culture . Le fait d ’ être insulaire joue beaucoup , cela donne cette volonté de se rassembler pour se protéger de l ’ extérieur , des éléments , du reste du monde avec lequel il faut communiquer . D ’ Afrique , d ’ Inde , de Chine , d ’ Europe , les Mauriciens ont tous été importés . Le multiculturalisme fait la force de Maurice . Le tourisme - tant que l ’ on fera un tourisme responsable , un écotourisme qui protège le pays - , et le multiculturalisme , donnent un attrait considérable pour le futur du pays . Et il faut motiver la jeune génération , les 15-20 ans , pour construire l ’ avenir énergétique dans une démocratie « horizontale » où chacun peut participer aux économies d ’ énergie et au développement des énergies durables . Par son multiculturalisme et par le développement durable , Maurice peut être un modèle pour le monde . C ' est comme une grande ville . En 2040 , à l ’ image de Sydney , San Francisco ou Copenhague , Maurice peut être entièrement indépendante des énergies traditionnelles . La meilleure façon de prédire le futur , c ’ est de l ’ inventer . Les jeunes Mauriciens sont hyper-compétents dans le numérique . Ils n ’ ont pas encore de grands projets , pas encore de budget , mais ils sont prêts .
Votre parcours d ’ excellence , votre forme olympique , 60 ans de mariage … Vous êtes un homme rare , multiple . Quel est votre secret ? L ’ amour , le respect , la confiance . Je suis positif . Plutôt que chercher ce qui ne va pas bien , j ’ essaie de promouvoir ce que les humains font de positif . J ’ aime cette phrase de Gramsci , grand politologue italien : « Au pessimisme de la raison , préférons l ’ optimisme de la volonté ». Et j ’ explique dans mon livre , « La Symphonie du vivant » *** qui vient juste de sortir : on est comme le chef d ’ orchestre de son être . Chacun peut faire quelque chose pour soi , et tous ensemble , nous pouvons faire quelque chose pour la société .
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L ' Ordre de l ’ étoile et de la clé de l ' océan Indien
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Arnaud de Rosnay était une légende du windsurf , il a réalisé de nombreux exploits avant de disparaître dans le détroit de Taïwan en 1984 .
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La Symphonie du Vivant , aux éditions Les Liens qui Libèrent
EDITION # 6 31