VISION
500
000
arbres pour respirer
Le ministre de l'Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire, Mahen Seeruttun, est sur tous les
fronts. De son combat contre l'utilisation abusive des pesticides à son projet de reforestation de l'île,
rencontre avec un homme tourné vers l'avenir.
500,000 TREES FOR A GREENER ISLAND – From his fight against the abuse of pesticides to
his reforestation project, Mahen Seeruttun, the Mauritian Minister of the Agro-industry, is present
on all fronts. A forward-looking man, whom we had the chance to meet.
PROPOS RECUEILLIS PAR VICTOR GENESTAR
Il ne subsiste qu'environ 2% de forêts indigènes mauriciennes.
Un constat alarmant, alors que l'île était autrefois entièrement
recouverte d'arbres ?
L'industrialisation a eu ses conséquences sur l'équilibre naturel de
l'île. Développement économique et respect de l'environnement ne
sont pas incompatibles. Aujourd'hui, il y a un engouement fort et
des volontés communes pour retourner vers la nature. Cette prise de
conscience collective était nécessaire pour protéger une île menacée
écologiquement. Nous avons pris un engagement : faire passer
la superficie de forêts indigènes de 2% à 12% tout en mettant en
terre 500 000 arbres en cinq ans. Le programme de reforestation a
débuté en 2016 avec 110 000 arbres plantés, en partie via des ONG
à qui nous fournissons des plantes. L'objectif du ministère est de
poursuivre dans cette voie en plantant 100 000 arbres par an, soit
500 000 nouveaux arbres dans les cinq prochaines années. Nous
savons ce qu'il faut faire pour rééquilibrer le biosystème, comme
éliminer les plantes indésirables, les goyaviers de Chine et les filaos
notamment. Il était urgent de réagir car Maurice risquait de se
retrouver dans une situation irréversible.
La dernière édition du festival Porlwi avait justement pour thème
la nature. Quelle a été l'implication du ministère ?
Not re implication a été forte, avec un accompagnement pour
faciliter les démarches du festival. La majorité des plantes qui ont
été exposées durant le festival viennent des terres du ministère.
Nous avons des pépinières avec des partenaires aux quatre coins de
l'île. Des initiatives comme Porlwi by Nature viennent renforcer la
prise de conscience du public. C'est indéniable. L'idée d'avoir fait
participer les enfants (pour planter des graines), c'est extrêmement
intéressant. Planter un arbre aujourd'hui, c'est produire des fruits
et de l'ombre pour soi... et les autres. Les jeunes peuvent changer
nos habitudes. Transformer la rue Bourbon en rue piétonne, avec
l'aménagement temporaire d'un mobilier urbain, était aussi un
formidable aperçu de ce que pourrait devenir Port-Louis.
Justement, Port-Louis est à l'aube de grands chantiers. L'occasion
pour la nature de revenir durablement au cœur de la capitale ?
Aujourd'hui, à Port-Louis, il y a peu d'espaces verts. Il semble
important de redéfinir les espaces publics pour les rendre plus
agréables. Le jardin de la Compagnie et ses arbres centenaires sont
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à valoriser davantage. Les habitations pourraient être embellies et
rendues plus vertes. Les enjeux sont nombreux mais la direction que
prend la capitale semble positive.
Parlez-nous du projet Greening Mauritius ?
C'est une initiative nationale lancée en 2017 par le ministère avec
un master plan bien établi sur les cinquante prochaines années. La
démarche est d'embellir l'île par la plantation de plantes endémiques,
des plantes décoratives aux arbres fruitiers. Je suis convaincu que
nous pouvons rendre Maurice plus attrayante et agréable à vivre. Le
travail a débuté le long de l'autoroute, de l'aéroport à Grand Baie.
Ce n'est qu'un début.
L'agriculture mauricienne est en pleine mutation. Des jardins
communautaires à l'émergence du bio, comment voyez-vous
l'avenir ?
Par le passé, dans chaque cour il y avait un potager. Les Mauriciens
cultivaient et partageaient leurs récoltes. Aujourd'hui, la démarche
des jardins communautaires est un retour à une nourriture plus saine
et sociale. Ces jardins se multiplient et peuvent devenir un modèle
pour l'île. Au ministère, on s'est donné comme objectif de passer
de l'agriculture conventionnelle (agriculture traitée par des produits
chimiques) à l'organique (appelée aussi agriculture biologique, qui
exclut largement l'utilisation d'engrais chimiques, de pesticides...).
Nous avons trois objectifs : diminuer l'usage de pesticides, rendre les
produits plus sains et préserver l'environnement. C'est une volonté
sur le long terme car cela implique un changement d'habitude.
Plus globalement, quels seraient les modèles à suivre pour le
futur de l'île Maurice ?
Je suis émerveillé par le jardin de Kirstenbosch (l'un des jardins
botaniques les plus beaux du monde situé à Cape Town). J'ai aussi de
l'admiration pour Singapour. C'est ultra-moderne mais on n'a jamais
la sensation d'être envahi par le béton. Ils ont commencé à reverdir
Singapour dès les années 1960. On a beaucoup à apprendre d'eux !
Ils ont notamment créé le Night Garden, un espace magnifique
au cœur de la ville. J'ai fait appel à des spécialistes pour une étude
sur le jardin de Pamplemousse. L'idée est de remettre en valeur ce
jardin par des actions pédagogiques, écologiques et botaniques. Une
démarche importante pour les prochaines générations.