L'Europe rurale en mouvement - Voyage aux pays des transitions L'Europe rurale en mouvement - FR (complet) | Page 121
La science face
au ' monde réel'
mes préjugés. J’ai dû apprendre à Il comprenait l’agriculture de la
accepter d’avoir tort et reconfigurer même manière que les gens qui y
ce qui me semblait acquis depuis vivaient et en vivaient. Ces choses-
toujours. De retour à l’université, j’ai là, l’enseignement supérieur ne les
positions assez tranchées et ancrées pris le temps de réfléchir et j’ai réalisé transmet pas. Et c’est une autre forme
de longue date. C’était plutôt intimidant, que ce mode de vie, les paysages et de savoir. Hans a alors suivi un cours
mais en même temps cela touchait l’esprit communautaire du Lesachtal accéléré de développement local et
directement au rapport délicat entre m’attiraient. Cinq mois plus tard, j’ai a formé équipe avec un professionnel
savoir scientifique et savoir empirique. retenté le voyage pour une nouvelle de l’extérieur – qui connaissait le
Cela posait aussi des questions sur le mission. Cette fois, tout m’a semblé un cadre juridique et administratif dans
rôle de la recherche en milieu rural. Les petit peu plus familier et j’ai peu à peu lequel devait se dérouler le plan
études sérieuses ont souvent écarté commencé à saisir ce que recouvrait, de développement régional. Cette
les approches non scientifiques et non pour le Lesachtal, le ‘sense of place’ combinaison a été la clé du succès.
académiques de connaissance de (sentiment appartenance au territoire), l’environnement. Ces savoirs impliquent concept que Camille a introduit au œuvre par une association baptisée
souvent sensibilité et immersion chapitre 3. À l’issue de ce projet, j’ai fait Eigeninitiative Lesachtal - EIGL (Le
prolongée pour acquérir un savoir-faire le choix de rester et de voir si ce mode Lesachtal prend l’initiative). En 1995,
basé sur l’expérience vécue. vie pouvait me convenir. Forum Synergies a invité EIGL à
Nous étions donc face à des
participer à un atelier organisé à
Il fallait pourtant bien que je fasse
mon travail. Les semaines suivantes
ont été difficiles. Je me sentais un peu
à l’écart et finalement très seule. J’ai
Ce programme a été mis en
Tirer parti
du savoir local
Wulkow, en Allemagne de l’Est. Hans
y serait bien allé mais il était contraint
de traire ses vaches deux fois par jour.
donc décidé de rentrer chez moi plus Hans Windbichler, responsable Il m’a donc proposé de représenter la
tôt que prévu. Le bus qui me ramenait régional au début des années 1990, région à sa place. Pour moi, ce n’était
chez moi sillonnait une route aux essayait alors de mettre en œuvre pas rien. Une femme, d’origine urbaine,
virages interminables qui longeait des un plan de développement régional. dotée d’un bagage scientifique et
pentes abruptes. Comme j’avais hâte Au décès de son père, il avait dû universitaire n’incarne pas tout à fait
que ce trajet se termine ! 25 ans ont reprendre du jour au lendemain la l’image de la vie rurale en Europe à une
passé et cela fait plus de 15 ans que je ferme familiale. Impossible, donc, de rencontre internationale. Mais c’était
vis ici. Ces routes tortueuses ont fini par poursuivre des études ni de suivre pour moi l’occasion de représenter une
devenir le chemin vers mon chez-moi… une formation. Or il n’avait aucune région à laquelle je m’étais désormais
expérience professionnelle en matière profondément attachée. Hans et moi
d’avis ? Il m’a fallu bien du courage de développement régional. Mais il avons surmonté nos stéréotypes et je
et de l’ouverture pour surmonter était du coin. C’était ce qui comptait. suis partie pour Wulkow.
Qu’est-ce qui m’a fait changer
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