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Les écrits de notre monde et plus ! La bipolarité dans la peau VIRGINIE LEBRUN Adjointe Administrative J’ai essayé de comprendre, sans jamais avoir de réponse à mes questions. Ce texte est reproduit ici avec la permission de l’auteure. Il a été publié une première fois dans LA PRESSE du 10 mai 2015. Il représente bien les défis qui attendent les gens atteints d’un trouble de santé mentale comme la bipolarité une fois qu’ils veulent reprendre pouvoir sur leur vie. Après, tu commences peu à peu à accepter. À accepter que ta vie sera différente, mais qu’au moins, tu es en vie. Tu commences la médication et elle te tue de l’intérieur : vomissements, étourdissements, fatigue intense, tachycardie, dépression. Tu te dis que ça va passer, mais au bout de quatre ans, tu réalises que ça ne passera pas, que tu dois juste réapprendre à vivre. Ça fait maintenant presque quatre ans. Quatre ans que j’ai découvert que j’avais perdu le contrôle. Perdu le contrôle de mes émotions et de mes actions. J’avais à peine 18 ans. Ensuite, tu rechutes. Tu veux en finir avec cette vie-là, tu te dis que ce n’est pas la vie que tu voulais avoir. Mais, au fond, tu veux juste arrêter de souffrir. Ils t’enferment alors dans une chambre blanche, vide, meublée simplement d’un lit. Tu restes sept jours seule, à penser, à pleurer et à apprendre à être bien avec toi-même. À 18 ans, tu te découvres, tu découvres la vie d’adulte et toutes les possibilités qui sont maintenant à ta portée. Moi, j’ai découvert que je ne serais jamais comme les autres et que ma vie ne sera jamais ordinaire. J’ai eu le diagnostic. L’étiquette. Maladie affective bipolaire de type 2. Si vous saviez à quel point ça fait peur d’être seule avec son pire ennemi. Je me souviens avoir pleuré pendant des semaines, en me disant que tout ce que je voulais, c’était être normale, aller à mes cours, ne pas être tout le temps fatiguée. Mais surtout, ne plus jamais perdre le contrôle. Comment faire pour me convaincre que ce n’est pas ma faute ? Que ce n’est pas ma faute d’avoir blessé les gens autour de moi, d’être agressive et irritable sans cesse, d’avoir accumulé des tonnes de dettes et surtout d’avoir le sentiment de rendre les gens malheureux autour de moi ? Tous les aspects de ta vie deviennent difficiles. Comprendre, par exemple, que la voiture de 25 000 $ que tu as acheté à 18 ans et les cartes de crédit que tu as compulsivement remplies avant la tombée du diagnostic te suivent encore et ne disparaitront jamais, comme le souvenir de tes relations amoureuses tumultueuses ou la chute constante de ton estime personnelle. ENTRE MA TÊTE ET MON CORPS EMPAN – VOLUME 35, NUMÉRO 1 – AVRIL 2016 5