L'Eclaireur n°10 | Page 4

Terrain connu – Terre inconnue, de Mila

Je suis sortie pour la première fois depuis quatre jours de confinement.

En courant, et tout autour de moi je ne voyais que du vide.

Je suis sortie au milieu des rues désertes, les jardins remplis de souvenirs lointains.

Les nuages ne bougeaient pas, comme s’ils faisaient eux aussi partie d’une immobilité collective.

Je suis sortie pour n’observer que des maisons résonnant d’échos disparus.

Le soleil tapant rappelait un désert aride qui n’aurait jamais vu une ombre vivante.

Je suis sortie en espérant rencontrer des âmes connues, tout en craignant de les apercevoir.

Les herbes fines elles-mêmes ne se mouvaient pas, le vent les ayant abandonnées.

Je suis sortie entre les plaines d’un lieu familier semblait portant inconnu.

Les rares regards que je pouvais croiser étaient suspicieux, fatigués.

Je suis sortie sans vraiment y penser, comme par habitude mais sentant que tout était différent.

Le soir pouvait tomber, personne ne le remarquerait.

Je suis sortie sans étoiles, sans lune.

Cet engourdissement était perdu dans la glace mais le temps bientôt le laisserait fondre.

Je suis sortie dans un monde irréaliste mais qui apparaissait bien réel.

Jamais mes yeux n’avaient vu pareil paysage, et pourtant je pouvais presque m’en souvenir.

Je suis sortie avec légèreté, mes pas guidés par un fin ruisseau qui semblait asséché.

Les insectes grouillaient dans ce silence pesant, un léger bourdonnement de plus en plus insistant.

Je suis sortie lorsque tout n’était que silence.

Aucun sifflement, aucun murmure, aucune parole.

Je suis sortie avec des pensées remplies de mélodies.

Aucune musique.

Je suis sortie et j’ai perçu un léger goût de miel, qui lentement s’évaporait.

L’automne était déjà oublié, mais les feuilles brunes ne cessaient de tomber.

Je suis sortie dans un froid hivernal qui s’était déguisé en cette chaleur étouffante printanière.

Seul le son de ma respiration saccadée me rappelait à la réalité.

Je suis sortie sans une once de regret mais la peur me poursuivait déjà.

Les rayons assombrissaient ce chemin effacé par les traces devenues lointaines.

Je suis sortie hâtivement de mon oppressant foyer pour rencontrer une journée plus oppressante encore.

Si cela avait été une peinture, une cloche de verre infranchissable aurait été dessinée autour de moi.

Je suis sortie, et pas une seule fois la cloche ne s’est fissurée.

L‘errance ne m’aidait pas à reconnaître ce monde devenu étranger.

Je suis sortie. Et je me suis perdue.

Des nouvelles du confinement...

Le concours de l'éclaireur.... Journal...

Tenez votre journal de confinement...