MIROIR DE LA SULTANE

Islam et féminisme sont-ils Compatibles ?

Le documentaire se composait d ’ une série de témoignages recueillis auprès de différentes femmes , issues de différentes régions . Majoritairement arabes , les témoignages concernaient des vécus personnels qui ne frôlaient même pas l ’ expérience universelle . Parler d ’ Islam ou de féminisme , me paraissait présomptueux et prétentieux avec une telle approche et dans de telles conditions . Le titre choisi résume , à lui seul , une construction mentale très répandue . Je m ’ explique : A-t-on jamais vu , lu ou entendu , ces 10 ou 20 dernières années , quelque chose qui ressemble à : « Judaïsme et féminisme sont-ils compatibles ? » ou encore « Christianisme et féminisme sont-ils compatibles ? » De toute évidence , cela ne tient ni à la nature des textes sacrés de ces deux religions monothéistes , ni aux conditions de vie des femmes de confessions chrétienne ou juive . Conditions de vie qui varient d ’ un continent à un autre . Pourtant , faire du « monde musulman » une entité homogène , ainsi que des femmes musulmanes , des créatures à statut unique , ne dérange personne outre mesure . C ’ est pourtant là la quintessence des préjugés sur l ’ Islam et des idées reçues sur les musulmanes . Comme partout dans le monde , la condition féminine relève avant tout d ’ une volonté politique et d ’ une certaine vision plus ou moins égalitaire de la société . La religion n ’ est qu ’ un prétexte supplémentaire servant essentiellement d ’ argument d ’ autorité à ceux qui manquent d ’ arguments et à qui manque une autorité saine , qui les empêcherait de verser dans l ’ autoritarisme . N ’ aurait-il pas mieux valu s ’ interroger plus simplement sur l ’ existence ou non d ’ un féminisme islamique ? La réponse à cette dernière question est non seulement affirmative , mais elle est aussi plus intéressante qu ’ on pourrait croire . Il ne faudrait pas parler d ’ un féminisme islamique , comme s ’ il se présentait sous une forme unique mais de féminismes islamiques , pluriels , endogènes à chaque société , où la pensée féministe se heurte à la pensée conservatrice et au modèle patriarcal propre à chaque pays . Ces féminismes , bien que pouvant puiser dans de lointaines racines ¹ , se sont développés en tant que mouvements réformistes intellectuels à la fin du 19 ^e siècle , puis en tant que mouvements indépendantistes de lutte contre la colonisation au 20 ^e siècle . Les mouvements féministes musulmans , n ’ ont pas suivi le féminisme européen . Ils sont nés au même moment et ont évolué différemment , en fonction des besoins des sociétés qui les ont portés . Des dynamiques nouvelles et différentes émergent en Tunisie , au Maroc , en Égypte , en Turquie , en Iran , en Malaisie , en Inde , au Pakistan , etc . Nous en reparlerons dans un ou des article . s ultérieur . s . En Tunisie , depuis la révolution des jasmins , la présence massive des femmes parmi les manifestants , leur forte implication dans la société civile depuis une dizaine d ’ année , replace les questions du genre aux cœur de la réflexion autour des mouvements sociaux . Et bien que la femme tunisienne joue un rôle incontestable au sein de la société civile , elle peine encore à conquérir les postes décisionnels ainsi qu ’ à avoir une représentativité politique plus significative . Islam et féminisme sont-ils donc compatibles ? La question n ’ a pas lieu d ’ être . Interrogeons-nous plutôt sur le conservatisme de nos politiques ainsi que les pressions conformistes de nos sociétés .