La Gazelle | Page 96

évasion fly away ّ ‫لنتحـلق‬ voyage dans le temps I journey through time I évasion fly away ّ ‫لنتحـلق‬ ‫رحلـة عبـر الزمـن‬ Palerme nom de Movida circule actuellement comme un vent de renouveau. Vent espagnol qui montre combien la cité portuaire demeure ouverte sur le monde. Les créateurs qui luttent 2 3 Courtisée par les Grecs, les Romains, les Phéniciens, les Normands, puis par les Espagnols et plus tard les Anglais, encadrée de montagnes qui mettent une fin brutale à ses rues rectilignes, léchée par la Méditerranée, elle est d’une grande beauté, mais d’une beauté bien souvent délabrée. O 1 La Gazelle 58 I 98 n vous dira que c’est à cause de la guerre et de ses bombardements. Mais soixante ans après, alors qu’à peine plus de 3 % de sa population vit encore dans son centre historique, il y a lieu de s’étonner. La vraie raison est ailleurs. Elle a pour nom Cosa Nostra. Loin de n’être qu’un mythe de cinéma, Le Parrain III de Coppola, tourné dans ses rues, est une réalité. Celle qui empêche la ville d’entrer pleinement dans le XXIe siècle. Certes, Palerme est fière de ses traditions, de son tumulte, de ses ruelles bruyantes, gourmandes, foisonnantes de marchés, de palais et d’églises, de places baroques comme le Quattro Canti, son cœur névralgique. Mais elle est moins campée dans le passé qu’on ne pourrait le croire. Tout simplement, elle lutte pour sa survie. On prétend que les fonds européens, destinés à la culture ou à de grands projets d’infrastructures, disparaissent parfois comme par désenchantement. Même le Teatro Massimo, l’opéra de Palerme, souffre d’un manque de moyens. « Il ne dispose même pas de salle de répétition », regrette Gioacchino Lanza Tomasi, ancien directeur de l’opéra de Rome et du Teatro San Carlo de Naples. « Cela l’empêche d’avoir plusieurs programmations en même temps, comme c’est le cas de la plupart des grands opéras. » Cousin et fils spirituel de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, célèbre auteur du Guépard, adapté par Luchino Visconti en 1963, Giacchino et son épouse Nicoletta sont retournés vivre à Palerme. Malgré tout. Car c’est une ville qu’on a dans le sang. Anne-Clémence de Grolée en sait quelque chose. Après les Beaux-Arts de Nantes, elle est arrivée en résidence d’artiste dans les an- nées 1990 et n’est jamais repartie, tombée sous le charme de cette ville riche et complexe, lui inspirant une œuvre à forte dimension anthropologique. « Dans l’un de mes projets, j’ai interrogé des vieux d’une ville voisine, pensant subir la fameuse omerta, mais ils ont tous été heureux de pouvoir enfin se livrer. » Les langues se délient. Plus encore : toute une génération de jeunes Palermitains se mobilise désormais pour redonner une belle énergie à cette ville. Au point que le doux Cela a commencé en 2004, avec AddioPizzo, une association de commerçants liguée contre le racket mafieux. Aujourd’hui, ils sont près de 850 à se serrer les coudes. Parmi eux, beaucoup de jeunes créateurs, sortis des écoles d’art de Rome, de Milan ou de capitales européennes, qui retournent à Palerme avec l’envie de faire bouger les choses. Depuis 2012, ils ont colonisé la charmante rue Paternostro, au cœur du quartier de la Kalsa, et y installent des boutiques-ateliers de vêtements, accessoires ou objets de décoration, souvent à base de matériaux recyclés. Native des Pouilles, Carmela Dacchille trouve son inspiration sur les marchés. Elle arpente les quartiers populaires de la Vucciria, Capo ou Ballarò en quête de papiers d’emballage colorés et décorés. Elle en fait des carnets aux messages poétiques qu’elle vend dans une librairie de la rue Paternostro. Et comme de nombreux jeunes artistes, Carmela fait partie d’un des nouveaux réseaux de coworking créatif. À la fois lieux de travail et d’événements artistiques, ils ont pour nom Multivolti, neu [nòi] ou Clac. Abréviation de Centro laboratorio arti contemporanee, ce dernier a vu le jour en 2012 autour de Cristina Alga qui, après des études de communication à Bologne, a éprouvé le besoin de travailler en communauté. Avec des amis architectes, photographes et vidéastes, elle a loué un gigantesque appartement et mené à bien un premier et audacieux projet : celui de l’Ecomuseo Urbano Mare Memoria Viva. Dans une ancienne gare, ils ont créé ensemble des installations multimédias ayant pour but de donner aux Palermitains l’envie de se réapproprier leur front de mer, devenu crasseux et inaccessible. Mais le véritable pionnier de cette Movida n’est autre que Francesco Pantaleone. Issu d’une famille de négociants en objets religieux depuis 1905, il a vite compris qu’il voulait devenir galeriste. « Vendre un objet religieux ou une œuvre d’art, c’est d’abord vendre une chose en laquelle on croit », déclare-t-il. En 1999, il part pour New York et fait ses armes chez Gagosian, avant de lancer sa propre galerie. « Mon but était d’apprendre à promouvoir la nouvelle vision et le nouveau langage de l’art sicilien, ne plus rester dans les clichés de la Sicile rurale et larmoyante. » Aujourd’hui, dans son très bel espace en béton ciré se succèdent des artistes de renommée internationale : Alessandro Di Pietro, Julieta Aranda, Loredana Longo, Ignazio Mortellaro, des Siciliens, aux œuvres 1,3. Vue de l’hôtel Villa Igea depuis l’un des nombreux ports de plaisance de la ville. I View of the hotel Villa Igea from one of the numerous marinas in town. I ‫مشهد لفندق فيال إيجيا واحد‬ ‫من إحدى أحواض مراكب النزهة‬ I .‫الذي تحويــه املديـنة‬ 2. On aime ce vrai 5-étoiles qui a connu son heure de gloire à l’époque du « cercle des étrangers », dans des salons dignes de Proust, conçu par l’architecte Ernesto Basile.  I We like this real 5-star that became famous during the period of the « foreigners circle », in salons worthy of Proust, designed by architect Ernesto Basile. I ‫استحق هذا الفندق الذي‬ ‫عاش فرتة املجد يف عهد «دائرة‬ ‫األجانب» ي