évasion
fly away
ّ
لنحـلــق
visite guidée I guided tour I
زيـارة برفقة دليـل
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la rocaille. Rencontre étonnante que ce jeune patriarche géologue amateur dont me sépare à peine
une demi-génération et qui sans jamais avoir quitté
sa région parle un français impeccable grâce à un
instituteur breton posté dans ce village dans les
années soixante. Le lendemain, son fils et lui me
font découvrir les merveilles naturelles de la région,
connue pour les gorges de Midès mais qui recèle
aussi des trésors géologiques et des panoramas
époustouflants sur le Chott El Jerid en contrebas.
1. Dans la région de Onk el
Jmal (le cou du chameau) I In
the region of Onk el Jmal (the
camel’s neck) I
I منطقة عنــق الجمــل
2. L’authentique village de
Chenini à quelques kilomètres
à l’ouest de Tataouine I
The authentic village of
Chenini, a few kilometers West
from Tataouine I
قريـة شنني األصيلة التــــي
تبعد بضعــة كيلومرتات غرب
I مديــنة تطـــاوين
3. les oasis de Chebika situées
à l’ouest de la ville de Tozeur
Chebika oasis located in the
West of Tozeur I
واحات الشبيكة التي تقع غرب
I مديــنة تــوزر
La Gazelle 58 I
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En une centaine de kilomètres en filant vers le Nord,
le paysage change. Le rocher laisse place à une
terre grasse et riche, les touffes d’épineux agrippés
contre le vent se transforment en oliviers puis en
amandiers. Je m’approche de la table de Jugurtha,
que je n’atteindrai jamais, faute d’une signalisation
adéquate. Je découvre bientôt aux alentours du Kef
une Tunisie insoupçonnée dont les paysages ressemblent à la Savoie ou à la Suisse.
Une petite incartade vers l’ouest m’amène à deux jets
de pierre de la frontière algérienne au site archéologique
de Haidra. Je suis seul au monde à contempler un arc
de triomphe romain quasiment intact qui domine une
vallée couverte de moutons. Un vieux monsieur qui se
présente comme le gardien me fait les honneurs du site
et me confie que je suis le premier visiteur étranger du
mois. Assis sur un mur romain je laisse mes pensées
s’égarer au temps des cohortes de légionnaires dont
le pas me semble encore résonner sur ces pierres séculaires. Aucun des autres sites archéologiques que je
vais découvrir dans les jours prochains n’aura pour moi
cette aura nostalgique d’un temps disparu dont subsistent ces témoins de pierre désespérés. Sic transit gloria
mundi…(« ainsi passe la gloire de ce monde »)
Ma remontée vers le Nord se termine à Tabarka,
ville défigurée par les constructions sauvages que je
fuis bien vite. Depuis Aïn Draham perchée dans la
montagne des forêts de chênes liège tapissent les
vallées de cette région verte qui domine la mer. Des
troupeaux de moutons par centaines parsèment les
collines et me plongent dans des images tout droit
sorties de l’Ancien Testament.
Me voilà au Cap Serrat, merveille d’isolement et
de beauté. Je savoure sans le savoir mes derniers
moments de quiétude. Vingt kilomètres plus loin,
j’échoue au bord de la route, définitivement privé de
transmission. Je ne suis plus qu’à 120 kilomètres de
Tunis ou je comptais rentrer dans 2 ou 3 jours.
Il me reste quelques jours pour prendre congé de
mes amis et me préparer à quitter ce pays que je
suis presque arrivé à considérer comme le mien
après ces 6 semaines d’immersion.
Je repars comme je suis arrivé, avec une voiture en
panne au fond de la cale du Carthage, mais plus riche
de souvenirs inoubliables. J’ai découvert un pays qu’on
connait finalement mal, extrêmement accueillant et attachant. Malgré leurs difficultés, les tunisiens gardent
le sourire et le sens de l’accueil qui resteront pour moi
incarnés par Amor, Othman et leurs familles.
Je reviendrai, c’est certain, mais cela est une autre
histoire. I