La Gazelle | Page 108

évasion fly away ّ ‫لنحـلــق‬ visite guidée I guided tour I ‫زيـارة برفقة دليـل‬ de l’aventure au confort aléatoire. Me voilà parti pour Tataouine et la région des Ksars, ces forts de pierre qui étaient également des greniers à provisions. Souvent en ruine, ils parsèment les lignes de crêtes de ces paysages minéraux et témoignent de ce fait qui m’a toujours étonné ; les déserts sont toujours plus fréquentés que leur nom ne le laisse croire. C’est à l’occasion d’une halte photographique que je rencontre Amor, un habitant des lieux avec qui nous engageons la conversation. Je le ramène chez lui à 8 kilomètres de là puisque je n’ai pas de destination précise. Nous sommes en fin de journée et il m’invite à passer la nuit dans sa maison où il me présente ses 1 2 1. Les célèbres habitats troglodytes près de Tataouine I The famous troglodyte dwellings near Tataouine I ‫مساكن الكهوف الشهرية قرب‬ I ‫مدينة تطاوين‬ 2. Les gorges de Midès gorges of Midès I I I The ‫واحة ميداس الجبلية‬ La Gazelle 58 I 110 m’avaient tant marqué par leur omniprésence lors de mon premier court séjour, il y a presque 30 ans. Le test ayant été concluant, me voilà enfin parti pour mon road trip. Un premier passage à Hammamet puis je pars pour Kairouan, magnifique sous un ciel d’un bleu profond. Les briques des édifices prennent la couleur du sable qui entoure la ville au coucher du soleil qui met en valeur les motifs géométriques des façades. Après une nuit à Monastir, belle ville alanguie le long d’une corniche qui s’étire sur des kilomètres je fonce vers El Jem et son amphithéâtre romain, le second par la taille après le Colisée de Rome. Je suis bien dans la province romaine d’Afrique conquise à l’issue des guerres Puniques. Les mots « Delenda Carthago est » (citation latine attribuée à Caton l’Ancien et qui signifie «Carthage est à détruire ») reviennent dans ma mémoire de latiniste pour souligner l’éclat de ce site exceptionnel et finalement méconnu, comme finalement la plupart des sites antiques que je vais visiter par la suite : Sufetula, Haidra, Bulla Reggia, Dougga, pour la plupart peu fréquentés en regard de leurs homologues du bassin méditerranéen. Une aubaine pour le visiteur peu grégaire que je suis qui n’aime rien tant que méditer seul au milieu des pierres millénaires, mais peut-être une perte de ressources pour le pays. Force est de constater néanmoins que l’infrastructure d’hébergement autour de la plupart de ces sites est inexistante et qu’il est difficile d’y séjourner. Un autre chantier pour futur ministre… Quelques jours à Djerba dans le luxe d’un hôtel 5 étoiles me préparent en douceur à retrouver le goût parents, son frère, ses sœurs et ses enfants. Sa mère prépare un couscous mémorable et nous passons la soirée à évoquer nos vies si différentes. Lui, enraciné à cette terre caillouteuse avec sa famille. Moi, célibataire sans attaches qui parcours le monde depuis 30 ans. J’aime ces moments de rencontre qui ont émaillé mes voyages dans des lieux reculés, des Andes à la Mongolie. Dans de tels moments de simplicité, loin de tout artifice, on touche finalement à l’universalité humaine qui transcende au final nos différences de destins individuels, de croyances, de climats, de fortune… Au matin, je m’arrache de cet accueil chaleureux pour aller vers d’autres routes, d’autres rencontres. J’ai atteint le point méridional extrême de ma boucle et entame ma remontée vers le Nord-Ouest, vers Douz et Tozeur en passant par Matmata, pour rallier ensuite Tabarka. De nouveaux paysages grandioses m’attendent, de même que de nombreux contrôles routiers. A tous les grands carrefours m’attendent des barrages de police, dont les fonctionnaires s’étonnent toujours de voir un étranger se promener seul dans son gros 4x4. La nature ayant horreur du vide, je suis souvent sollicité pour transporter des « collègues qui vont prendre leur poste » ou qui viennent de le quitter jusqu’à la ville ou bourgade suivante. Pourquoi pas ? Une nouvelle corde à mon arc : transporteur de troupe. Tozeur s’apprête pour le festival des nuits électroniques, événement musical et festif qui fait exploser les tarifs hôteliers et me précipite vers Tamerza. Le fameux Palace local tant vanté est fermé, victime de difficultés économiques. Heureusement, j’ai pris en stop sur le chemin du village le vénérable Othman, qui me trouve un hébergement et m’accueille à dîner dans sa maison avec ses six enfants et son épouse Saliha. La famille vit des 2 hectares de palmiers dattiers hérités de son père qui se situent dans la trouée verte qu’est cette oasis de montagne perdue dans