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Le tatouage féminin
en Tunisie
Depuis les temps immémoriaux, l’homme a
toujours eu un rapport dialectique avec son
corps.Tantôt, dissimulé, tantôt exhibé ; tantôt
assumé, tantôt rejeté, le corps et notamment
la peau ont été, dans toutes les civilisations,
l’objet d’attention et éventuellement de
traitements particuliers, singulièrement par
le maquillage et le tatouage.
Photographie extraite de
la revue Carthage, éditée à
Tunis I Photography from the
Carthage magazine, published
in Tunis I
الصـورة مـأخـوذة من مجلة
I .قرطـاج، التي تنرش يف تونس
La Gazelle 56 I
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S
e tatouer est une pratique féminine attestée dès l’âge de la pierre polie, dit néolithique, dans plusieurs régions du monde. Des momies de femmes tatouées découvertes en Egypte remontent au deuxième millénaire av. J-C. En dépit des interdictions religieuses judéo-chrétiennes ou musulmanes, cette pratique a perduré
pendant longtemps et presque partout dans le monde.
Au Maghreb, la tradition du tatouage remonterait aussi loin et s’est prolongée
jusqu’à une époque avancée. Aujourd’hui, rares sont les femmes tunisiennes qui
se parent encore de ce tatouage indélébile, appelé “washm”, mais il existe un autre type, bien délébile, très
en vogue lors des cérémonies matrimoniales, et qui s’efface au bout de quelques jours: il s’agit du “harqous”.
En réalité, ce sont les femmes rurales qui se tatouent par le “washm” à des endroits précis du corps: le front,
le menton, les joues, le dos des mains, les mollets… L’application consiste à incruster dans la peau, entre le
derme et l’épiderme, à l’aide d’un outil pointu, une aiguille par exemple, une teinture noircie au noir de fumée,
“ghonj”. Une fois cicatrisée, la peau laisse apparaître les motifs insérés qui prennent une couleur noire violacée.
Les signes tracés, dont la symbolique plonge dans le tréfonds culturel, découlent du principe de l’abstraction
géométrique ; ils procèdent de la ligne droite qui génère des motifs géométriques (triangle, losange, chevrons…). Ces motifs sont réplétifs et agencés selon une combinatoire rigoureuse, fondée sur la récurrence.
Des liens de parenté esthétique évidente sont notés, avec la poterie modelé de Sajnane surtout, et avec les
tissages ras du genre mergoum, surtout ceux du Sud tunisien.
Le “harqous” est une teinture de couleur noire à base de noix de galles, de clous de girofle, d’écorce de noyer
et de sulfate de cuivre, dont la préparation est très complexe et exige un savoir-faire minutieux. Variant selon
les régions et les zones dermiques, les motifs dessinés sont dans l’ensemble, soit des lignes pectinées, soit
des chevrons ciliés.
Le tatouage, cette pratique qui apporte une modification permanente au corps humain, est généralement
perçu soit comme un sceau marquant une appartenance ethnique, soit un signe d’ostentation esthétique ;
l’appréciation de la beauté étant une question de culture. I