La Gazelle laGazelle | Page 26

I une photo une histoire I a shot a story I ‫ــة‬ ‫ق�ص‬ ‫�صــورة‬ Hommage à Béji Caïd Essebsi I une photo une histoire I a shot a story I ‫ــة‬ ‫ق�ص‬ ‫�صــورة‬ 1 Le 4 Octobre 1985 : une date à marquer d’une pierre blanche. Tour à tour ministre, diplomate, avocat et président de la république tunisienne, Béji Caïd Essebsi laissera incontestablement une trace indélébile dans le grand livre de l’Histoire de la Tunisie. En ce 34ème anniversaire de l’attaque de Hammam Chott, ville de la Banlieue Sud de Tunis, survenue le 1er Octobre 1985, nous avons choisi de lui rendre hommage en commémorant un jour qui marqua plus que les autres sa longue et riche carrière: le 4 Octobre 1985. Le jour où feu Béji Caïd Essebsi, en grand maître de la diplomatie tunisienne, brava l’état sioniste au Conseil de Sécurité de l’ONU. Son intervention à New York se passe de toute introduction: «À la fin de la quatrième séance de ce débat très encourageant, au cours duquel de nombreux représentants se sont exprimés, en plus de ceux qui siègent au Conseil, je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, ainsi que vos collègues de m’avoir de nouveau permis de parler. Ma première préoccupation est de transmettre à tous les orateurs la gratitude sincère de mon pays ainsi que ses chaleureuses félicitations. La Tunisie est fière d’avoir rencontré ici une solidarité aussi grande de la part des pays frères et amis, solidarité issue de sa politique de paix, d’amitié et de coopération qu’elle n’a cessé de suivre depuis son indépendance et qu’elle poursuit avec la majorité des nations. La Tunisie est également fière d’avoir en quelque sorte donné à la communauté internationale l’occasion d’entendre la voix de la légalité et de la moralité, la voix des principes supérieurs du droit et de la justice. La Charte a confié au Conseil de sécurité la tâche noble et redoutable d’être le gardien vigilant de ces principes. En tant que représentant de la Tunisie, ai-je besoin de passer en revue les faits évidents qui ont caractérisé l’agression dont mon pays a été la victime innocente, ou, surtout, de passer en revue les fausses allégations, qui visent clairement à déformer les des faits à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du Conseil - dans le but, quoique non énoncé, de duper l’opinion internationale et de légitimer un acte criminel que rien ne pourrait jamais justifier. Je pense que la communauté internationale dans son ensemble a déjà rendu un jugement sur ces allégations par le biais des déclarations faites par leurs représentants ces deux derniers jours. Cependant, je souhaite dire ceci à ceux qui ont encore des doutes ou qui semblent prendre une position désespérément partisane. Premièrement, ce n’est pas le quartier général de l’Organisation de libération de la Palestine qui a été attaqué par un avion israélien à Hammam-Chott, près de Tunis, mais une zone urbaine clairement définie, où vivent de nombreuses familles tunisiennes et où un petit nombre de civils palestiniens a trouvé refuge après leur terrible épreuve lors de l’agression israélienne contre le Liban. Nous savons aujourd’hui que 68 civils ont été tués et plus de 100 blessés. Pour une fois, les services de renseignements israéliens bien connus se sont révélés moins intelligents. Quant à la soi-disant Force 17, à qui on a reproché l’attaque de Larnaca, son quartier général était situé ailleurs et non sur le territoire de mon pays. Cela a été admis par les responsables israéliens eux-mêmes - et j’exprime ma gratitude au représentant de l’Égypte d’avoir donné au Conseil de sécurité la référence aux textes écrits de la délégation israélienne elle-même, ce qui le rend parfaitement clair. 28 Deuxièmement, les dirigeants palestiniens ont effectivement bénéficié de l’hospitalité tunisienne. Tout le monde est bien conscient de cela. Je dirais même que personne ne s’y est opposé, bien au contraire. J’espère m’être fait comprendre parfaitement. Mais j’ajouterais que nous parlons ici de leadership politique, de représentation légitime du peuple palestinien, de ce véritable interlocuteur avec lequel des discussions doivent avoir lieu si la volonté réelle de parvenir à un règlement viable au Moyen-Orient existe. Néanmoins, la Tunisie n’est pas devenue une base militaire et, a fortiori, n’est pas devenue une base terroriste. Aucun acte de terrorisme n’a été commis depuis le territoire tunisien. Aucun Tunisien n’a été impliqué dans un tel acte. Troisièmement, il est pour le moins erroné d’attacher à un article de la Charte un sens diamétralement opposé au sens qu’il a sans aucun doute. En fait, l’article 51 confère à un Membre de l’Organisation des Nations Unies le droit inhérent à la légitime défense dans le cas précis où une “attaque armée” a eu lieu à son encontre. Quel type d’attaque armée est impliqué ici ? Est-ce une attaque armée tunisienne contre Israël ? Il est clair que, compte tenu du rapport de force actuel, cela est totalement exclu. Mais nous parlons bien d’une attaque armée - une attaque armée israélienne, officiellement revendiquée par le gouvernement israélien, pour laquelle la Tunisie n’a malheureusement aujourd’hui pas d’autre moyen de représailles que celui dans le cadre du droit de légitime défense que lui confère la Charte. Dans ces conditions, il incombe à l’Organisation des Nations Unies de garantir à la Tunisie ce droit de légitime défense - et non par la méthode d’attaques lâches pour lesquelles l’armée israélienne a acquis une mauvaise réputation, semant la mort parmi des innocents et détruisant des maisons ; mais plutôt par une action vigoureuse dictée par la légalité internationale et conforme à la moralité internationale. Cela doit se faire par une ferme condamnation de l’emploi illégitime et injustifié de la force, par une affirmation claire et non équivoque de la ferme volonté de la communauté internationale d’empêcher et d’éviter la répétition d’actes terroristes commis par un État Membre de l’Organisation des Nations Unies contre un autre État membre des Nations Unies, en violation de son intégrité territoriale et de sa souveraineté. Enfin, il faut le faire en prévoyant des réparations justes pour les dommages causés par le crime odieux. Ce qui est en jeu, c’est l’autorité de ce Conseil, gardien de la paix et de la sécurité internationales. Ce qui est en jeu, c’est avant tout la crédibilité de ses membres, en particulier de ceux qui ont supporté le très lourd fardeau que leur imposent leur pouvoir et leurs responsabilités mondiales. Le peuple tunisien, blessé à la fois physiquement et moralement, a unanimement condamné cet acte criminel et exprimé son dégoût devant l’impunité dont jouissaient ses auteurs. Cette unanimité remarquable est particulièrement manifeste dans la position sans équivoque de la communauté juive, qui fait partie intégrante de la communauté nationale. Le peuple tunisien ne pourra pas comprendre si l’acte criminel dont des dizaines de fils et filles sont des victimes innocentes reste impuni, si ses auteurs ne sont pas soumis aux sanctions qui devraient légalement être imposées à cause de leur crime. Ils ne comprendront pas si, au prix de nombreuses vies humaines et de dommages militaires considérables, ils devaient payer pour l’échec d’une politique aveugle qui, pour détourner l’attention du monde des violations flagrantes du droit international et du droit des peuples à l’autodétermination, frappe au hasard où bon lui semble. Ils le comprendront encore moins s’ils se trouvent sérieusement et injustement punis pour avoir pris des mesures en faveur de la cause de la paix à un stade crucial et avec les encouragements de leurs amis. Voulant disposer de la puissance militaire, mon pays a toujours cru que sa force provenait de la force des principes de droit et de justice que les puissants de ce monde sont censés défendre. Nous nous risquons à le croire encore et aimerions pouvoir le croire pour toujours. À ce stade tardif de la discussion du Conseil, j’estime que la question à l’étude a été bien définie. Les opinions de toutes les parties ont été exprimées et nous attendons calmement la décision du Conseil. Nous espérons que cela sera à la mesure des responsabilités du Conseil en vertu de la Charte.» I 2 His speech during the meeting of the UN Security Council in New York needs no more introduction. Here are a few excerpts: «Tunisia is proud to have encountered here such great solidarity on the part of brotherly and friendly countries, a solidarity resulting from its policy of peace, friendship and co-operation, which it has followed ceaselessly since its independence and which it continues to pursue with the majority of nations. Tunisia is also proud of having in a way given the international community an opportunity to hear the voice of legality and morality, the voice of the higher principles of law and justice. The Charter has entrusted the Security Council with the noble and formidable task of being the vigilant guardian of those principles.» “Is there any need for me, as the representative of Tunisia, to review those obvious facts which characterized the aggression of which my country has been the innocent victim, or, above all, to review the false allegations, which clearly are aimed at distorting those facts both within and outside the Council - with the aim, albeit unstated, of fooling international opinion and legitimizing a criminal act that nothing could ever justify? I believe that the international community as a whole has already passed judgment on these allegations through the statements made by their representatives over these past two days.” “In those conditions, it is incumbent upon the United Nations to ensure for Tunisia that right of self-defense - and not by the method of cowardly attacks for which the Israeli army has gained an unfortunate reputation, sowing death among innocent persons and destroying homes; but, rather, by vigorous action dictated by international legality and in keeping with international morality. This must be done through a firm condemnation of the illegitimate and unwarranted use of force, through a clear and unambiguous affirmation of the firm will of the international community to prevent and avert the repetition of terrorist acts by a State Member of the United Nations against another State Member of the United Nations, in violation of its territorial integrity and sovereignty. Finally, it must be done by providing just reparations for the damage caused by the heinous crime.” Tribute to Béji Caid Essebsi October 4th, 1985: a day to remember. Prominent in politics for more than half a century and Tunisia›s first president to be democratically elected in nationwide polls, Béji Caid Essebsi has unquestionably left an indelible imprint on the History of Tunisia. On the 34th anniversary of the attack on Hammam Chott, a suburb of Tunis, which took place on October 1st, 1985, we chose to pay tribute to him by commemorating one day that marked most his rich legacy:  October 4th, 1985. A day when Caid Essebsi, who was foreign minister at the time, showed to the entire world that principles were mightier than the sword. A day when Tunisia pressed the US administration not to veto a UN resolution condemning the Israeli raid. “The Tunisian people, wounded both physically and morally, has been unanimous in condemning this criminal act and in expressing its revulsion at the impunity enjoyed by its perpetrators. This outstanding unanimity has been particularly evident in the unequivocal position taken by the Jewish community, which is an integral part of the national community. The Tunisian people will not be able to understand it if the criminal act of which dozens of its sons and daughters were the innocent victims remains unpunished, if its perpetrators are not subjected to the sanctions that should legally be imposed because of their crime. They will not understand it if, at the cost of many human lives and extensive military damage, they are made to pay for the failure of a blind policy which, to distract the attention of the world from the flagrant violations of international law and the right of peoples to self-determination, strikes at random wherever it sees fit. They will understand it even less if they find themselves seriously and unfairly punished for action taken to further the cause of peace at a crucial stage, and with the encouragement of their friends.” “Wanting military strength, my country had always believed that its strength derived from the strength of the principles of law and justice which the mighty of this world are supposed to buttress. We venture to believe it still and would like to be able to believe it forever.” I 1. Béji Caid Essebsi au conseil de Sécurité de l’ONU - AFP VIA GETTY IMAGES I Béji Caid Essebsi at the UN Security Council I ‫األمن‬ ‫مبجلس‬ ‫السبيس‬ ‫قايد‬ ‫بايج‬ ‫اميدجز‬ ‫غايت‬ ‫صور‬ ‫ـ‬ ‫القويم‬ 2. Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Béji Caid Essebsi - AFP CONTRIBUTOR VIA GETTY IMAGES I Foreign minister, Béji Caid Essebsi I ‫وزير‬ ‫باكون‬ ‫اميدجز‬ ‫غايت‬ ‫صور‬ ‫ـ‬ ‫السبيس‬ ‫قايد‬ ‫البايج‬ ‫ونسية‬ ‫ت‬ ّ ‫ال‬ ‫ة‬ ‫ي‬ ّ ‫اخلارج‬ 29