La Gazelle Gazelle-79 | Page 102
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La Gazelle : Quels sont les trois mots qui vous
définissent le mieux ?
Hinde Boujemaa : C’est difficile de s’autodéfinir, je vais plutôt
vous dire ce que pensent mes parents de moi : obstinée, directe,
perfectionniste, je ne suis pas sûre que cela soit extraordinaire,
mais ça me convient.
LG : Vous venez de réaliser « Noura rêve », comment
est née l’idée de ce film ?
HB : Toutes les réalisatrices et réalisateurs sont des observateurs
sociaux, je pense que nous avons tous mille et une idées qui
nous traversent l’esprit. Je dirais que l’on concrétise les idées
qui nous paraissent égoïstement les plus urgentes. Un film peut
partir, d’une discussion, de l’observation d’une scène de rue,
d’un livre, d’un fait divers qui nous bouscule et que l’on a envie
de retranscrire, ce qui est le cas de Noura rêve.
LG : Vous abordez dans ce film le thème de l’adultère
dans la société tunisienne. Pourquoi avoir choisi ce
thème difficile et parfois polémique en Tunisie ?
HB : Je n’ai pas choisi le thème, j’ai entendu le témoignage
d’une femme qui est allée en prison sous dénonciation de son
mari duquel elle était séparée et non divorcée. Cela m’a choquée
d’autant plus que le mari vivait avec une autre femme. Ainsi,
j’ai découvert cette loi rétrograde qui monopolise un appareil
d’Etat, la police et l’appareil judiciaire en l’occurrence, pour une
histoire privée de trois personnes. C’est pour moi une ineptie, je
crois fermement que la police a un travail plus urgent comme par
exemple la lutte contre la corruption, la drogue ou la criminalité,
plutôt que de s’occuper d’une affaire aussi intime que celle d’un
couple. C’est une loi à abolir qui handicape des institutions dans
leurs missions plus sérieuses.
Rencontre avec Hinde Boujemaa
La réalisatrice qui bouscule les codes avec son film
« Noura rêve »
Propos recueillis par Khadija Djellouli
Réalisatrice et scénariste tuniso-belge, Hinde Boujemaa vient de remporter le Tanit d’Or à la
dernière édition des Journées Cinématographiques de Carthage pour son film « Noura rêve ».
Un film poignant qui traite de l’adultère en Tunisie porté par les acteurs Hend Sabri et Lotfi
LG : Le film est porté par deux grands acteurs
tunisiens, Hend Sabri et Lotfi Abdelli. Comment s’est
passé le tournage avec ces deux acteurs qui sont
connus pour leur forte personnalité?
HB : Hend Sabri et Lotfi Abdelli sont de gros travailleurs
extrêmement disciplinés ce qui n’est pas antinomique à une forte
personnalité. Ils sont passionnés par leur travail et y mettent toute
leur énergie, c’est donc extrêmement plaisant de travailler avec
eux.
LG
: Le film a remporté de nombreux prix
internationaux et notamment le Tanit d’Or aux
JCC 2019. Comment avez-vous ressenti cette
reconnaissance en Tunisie ?
HB : J’ai été émue pour Hend et pour tous mes acteurs. Un film
est une affaire de groupe même si à l’origine, il sort du désir
d’une seule personne, donc c’était un cadeau pour chacune des
personnes qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour ce film.
C’est leur joie qui me rend fière.
LG
: Le cinéma tunisien commence depuis ces
dernières années à avoir une vraie reconnaissance
à l’international. Quels sont d’après vous les axes
d’amélioration afin qu’il puisse encore mieux
s’exporter ?
HB : Le financement du secteur évidemment avec la création
de financements parallèles à celui du ministère. Mais aussi en
facilitant le mécénat comme avec le tax shelter en Belgique, qui,
avec un plafond limité pour éviter les dérives, exonère les impôts
des sociétés qui investissent dans l’art. Le ministère des Finances
doit collaborer impérativement avec le ministère de la Culture
pour créer les lois fiscales nécessaires à cette idée.
LG : Quels sont vos projets dans les mois à venir ?
HB : Ecrire et continuer à faire des films ! I
1. Hinde Boujemaa - Portrait © Droits réservés I Portrait of Hinde
Boujemaa I بومجعة هند صورة
2. Affiche du film Noura rêve I Noura rêve film poster I اإلعالين امللصق
حتمل نورة لفيمل
Abdelli. Rencontre avec une femme engagée pour qui le cinéma existe aussi pour dénoncer.
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