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ussi loin qu ’ on se souvienne , il fut un temps on ne connaissait que lui : Robert Combas . Il était le seul pour nous , le premier , celui dont on identifiait immédiatement le trait tranchant dans des œuvres foisonnantes . C ’ était au cours des années 80 , nous scrutions des reproductions de ses images dans les magazines d ’ art , en écoutant David Bowie ou The Clash . D ’ autres ont débuté avec lui , réunis sous l ’ appellation Figuration libre : parmi eux , Richard et Hervé Di Rosa , François Boisrond ou Rémy Blanchard . La peinture les liait , mais aussi la musique . Robert se souvient : « En même temps que mes débuts dans la peinture , je faisais des performances avec mon groupe de musique , Les Démodés , Richard Di Rosa , Ketty Brindel et moi . D ’ ailleurs le premier article important que j ’ ai eu dans la presse a été publié dans Libé sur notre performance au festival off d ’ Avignon avec Les Démodés . Ensuite le groupe s ’ est séparé . »
Les univers de chacun d ’ entre eux peuvent sembler éloignés , mais ils se retrouvent dans un courant qui affirme la spontanéité de la création inspirée du punk et cette idée que l ’ art non seulement appartient à tout le monde mais qu ’ en plus chacun est en capacité de s ’ y exprimer . L ’ un des plus rock d ’ entre eux , et c ’ est sans doute la raison qui le distinguait pour nous : Robert Combas , toujours lui . Se rêvait-il comme il a pu l ’ affirmer un jour en « héros hollywoodien de la peinture » ? Il corrige : « À l ’ époque j ’ ai plutôt dû dire que je rêvais de devenir un peintre comme une vedette de rock ! Le rock était pour moi une façon de vivre et de ressentir . » En effet , le rock fait partie de sa vie au même titre que la peinture . Nous sommes en 1976 , et la déflagration du punk se fait ressentir aussi bien au Royaume-Uni avec les Sex Pistols qu ’ en France qui accueille les deux éditions du festival de Mont-de-Marsan avec la fine fleur du mouvement , le Clash , The Police à leurs débuts , et les Français Bijou ou Asphalt Jungle . L ’ effervescence est à son comble , Robert et ses amis n ’ y échappent pas , même s ’ il ne poursuit pas l ’ aventure musicale . « J ’ ai arrêté la musique pendant de longues années et ne l ’ ai reprise qu ’ en 2012 avec Les Sans Pattes , un duo que je forme avec Lucas Mancione , qui reprend la forme de la performance musicale et visuelle , car sur scène nous projetons les films et les images que nous créons , sur nous . »
LE RÊVE NOUS APPARTIENT
Le punk donc , comme déclencheur , mais aussi comme catalyseur des énergies créatrices de toute une génération qui se reconnaît aussi bien dans son esthétique musicale que graphique . C ’ est l ’ époque où l ’ image cohabite avec le son , dans un aller-retour permanent . La Figuration Libre , héritière de l ’ esprit de Dada – dont le punk s ’ est toujours revendiqué –, lui emprunte une approche subversive , très Do It Yourself , qui vise à émanciper l ’ artiste de l ’ obligation de la technique . Pour Robert Combas , les choses sont très claires : « À mes débuts , que je fasse de la musique ou de la peinture , c ’ était du rock : de la transgression , une recherche du feeling ; du rythme , l ’ expression d ’ un humour sans queue ni tête , dans le plus pur esprit dada . » À une nuance près , mais de taille : « Le rock c ’ est plutôt noir et blanc . Moi je ne suis pas noir , et la couleur fait ma peinture , elle met de l ’ optimisme . »
Cette couleur omniprésente , saturée comme peut l ’ être un riff de guitare , vient rompre avec l ’ approche très conceptuelle de certains artistes à l ’ épo que . « Nous sommes arrivés à une époque où l ’ art conceptuel dominait − ça étonne les gens , mais j ’ aime beaucoup l ’ art conceptuel ! − et où les artistes étaient presque tous profs aux Beaux-Arts . Avec notre peinture , nous avons ouvert des voies , c ’ est certain ! »
En effet , les artistes de la Figuration libre retournent délibérément à la peinture à un moment où elle est mise en danger – nulle crainte , elle trouve toujours sa voie . Et comme leur nom l ’ indique , ils s ’ adonnent à une forme de figuration qui s ’ émancipe de la contrainte traditionnelle du cadre , du portrait , du paysage ou du récit . De plus , ils refusent toute filiation dans le champ de l ’ histoire de l ’ art récente .