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IMAGES , LETTRES ET SIGNES , COMME AUTANT DE TRACES D ’ UNE ÉPOQUE .

JACQUES VILLEGLÉ

IMAGES , LETTRES ET SIGNES , COMME AUTANT DE TRACES D ’ UNE ÉPOQUE .

Il peut sembler étonnant d ’ associer Jacques Villeglé – de son vrai nom Jacques Mahé de la Villeglé – décédé au printemps dernier , à un quelconque propos sur la question de la figuration , mais sa manière de déconstruire les images telles qu ’ elles sont diffusées dans l ’ espace public et donc de les « dé-figurer » ne constitue pas moins un acte de figuration , voire de « re-figuration » sur la base de fragments épars .
Dès 1947 , ce collectionneur invétéré d ’ objets trouvés – les débris du mur de l ’ Atlantique en Bretagne par exemple qu ’ il considère comme des

18 œuvres d ’ art à part entière – des ready-made en référence à Marcel Duchamp – explore des voies plastiques pleines d ’ une vitalité nouvelle . Avec Raymond Hains , compagnon d ’ expérimentation rencontré aux Beaux-Arts de Rennes , il décolle sa première affiche en 1949 après son installation à Paris . Non sans se référer aux Cubistes et aux Surréalistes qu ’ ils affectionnent , les deux compères opèrent « décollage » et « lacération » avec un geste plein d ’ ardeur et un esprit aiguisé . En quête constante d ’ expressivité .

Par la suite , Villeglé affine la méthode de l ’ affichisme : il s ’ agit d ’ arracher les affiches aux murs et aux palissades , des affiches d ’ actualité ou de publicité déjà dégradées par la pluie ou les passants . Son intervention se résume à cet acte-là et à la lacération , qui révèlent les superpositions de papiers . Dans le résultat obtenu , Villeglé voit des « réalités collectives », dont il va extraire progressivement les composantes : images , lettres et signes , comme autant de traces d ’ une époque . De ces « écritures » spontanées naît une poésie formelle , candide et lumineuse , à laquelle il est dur de rester insensible .