KEITH HARING
Enfant , Keith Haring se rêvait artiste . En témoignent ces quelques lignes écrites pour une rédaction scolaire précieusement conservées par ses parents : « Quand je serai grand , j ’ aimerais être un artiste en France parce que j ’ aime bien dessiner . Je gagnerai de l ’ argent en vendant mes dessins . J ’ espère que j ’ y arriverai … » Sans passer par la France – on le regretterait presque –, il y est arrivé grâce à son style graphique unique , développé à la craie sur les murs ou les panneaux publicitaires de New York . Le verdict de la rue – le seul qui avait du crédit à ses yeux ! – a précédé celui des galeries , puis des salons . Chez Keith Haring , la joie est un faux-semblant . Elle tait les douleurs intérieures , les doutes , puis les souffrances occasionnées par la maladie tout aussi fulgurante que l ’ ascension de cette idole des années 80 , Faussement insouciante , donc .
Il reste de ce trublion si attachant , incarnation parfaite de la nouvelle génération new yorkaise – au même titre que Jean-Michel Basquiat –, un geste vif , précis , quasi rythmique dans sa manière de représenter des figures et motifs imbriqués . Reconnaissable dès le premier coup d ’ œil . On ne se lasse guère de parcourir ses œuvres sur papier , scènes urbaines d ’ un nouveau genre , empruntées à la bande dessinée et à la publicité . Presque tribales , elles sont en phase permanente avec leur temps . Un temps mouvant , dont on perçoit encore l ’ écho pas si lointain .
Il est l ’ un des artistes les plus talentueux du XX e . Avec sa capacité incroyable à explorer formes , motifs et couleurs , Jean-Michel Basquiat a jeté des passerelles entre des temporalités – les avantgardes du siècle tout entier de Picasso à Cobra ou le Pop Art , en passant par Dada , le free jazz , le punk et le hip hop – et des géographies artistiques insoupçonnées . Son ouverture graphique sur l ’ Afrique a suscité bien des vocations qui ont réinscrit le continent sur la carte artistique mondiale .
Ce peintre chaman voyait tout , entendait tout . Intégrait tout ! Dans ses tableaux en forme d ’ arborescence , ce grand coloriste se situait du côté du geste impulsif , spontané mais résolu et hautement signifiant . Avec une force comme nulle autre pareille , il constituait la synthèse – et parfois même la conclusion – d ’ un temps , le sien , le nôtre . Comme tout génie cependant , il a initié le temps artistique nouveau , à cette différence près qu ’ il n ’ a jamais cherché à faire table rase du passé . N ’ oublions pas qu ’ il était musicien et DJ et qu ’ il a toujours agi avec les outils plastiques qui étaient les siens : le mix , le sample , le scratch . En scratcheur de toiles – et d ’ étoiles ! –, il s ’ est montré iconoclaste certes , mais toujours respectueux de la matière convoquée . C ’ est sans doute en cela qu ’ il demeure si rayonnant et aujourd ’ hui encore , indépassable .
JEAN MICHEL
BASQUIAT