Journal #347 | Page 9

[ réussite ] compagnons 9
Toulousain sur le Tour de France .
Toulousain et son groupe de FS1 de l ’ année 23 / 24 en visite au FCTM ESOPE .
Plan d ’ ensemble du travail de Réception de Toulousain . peu trop , sans comprendre les raisons de ces excès . Mes problèmes personnels commençaient à être visibles . Le déclencheur de l ’ arrêt de mon Tour de France a été le changement impactant l ’ Adoption , entériné cette année-là : celle-ci devenait ouverte à tous , une décision avec laquelle j ’ étais totalement en désaccord , ayant moi-même eu beaucoup de mal à y accéder .
MON DÉPART S ’ EST FAIT SUR UN VRAI COUP DE TÊTE ET JE NE L ’ AI JAMAIS REGRETTÉ NI REMIS EN QUESTION . JE N ’ AVAIS PLUS L ’ ENVIE NI LA FORCE .
J ’ ai décidé de quitter les Compagnons et de m ’ installer pour de bon à Annecy . Mon départ s ’ est fait sur un vrai coup de tête et je ne l ’ ai jamais regretté ni remis en question . Je n ’ avais plus l ’ envie ni la force . Or , l ’ année suivante , j ’ aurais dû effectuer mon travail de Réception . Je ne me sentais pas capable d ’ accompagner les jeunes de mon corps de métier . Les anciens ont essayé de me dissuader lors de la réunion suivante , mais rien n ’ y a fait . À mes yeux , les Compagnons n ’ ont aucune responsabilité dans cet abandon . J ’ ai mis mes parents face au fait accompli . J ’ ai réalisé par la suite que j ’ étais totalement dépressif à l ’ époque . En tant que Compagnon , il faut être vigilant pour repérer les moments difficiles chez les jeunes , mais c ’ est presque impossible si la personne le cache , comme c ’ était mon cas . Une personne sans envie d ’ aller mieux ne peut pas être aidée .
Pendant plusieurs mois , ma vie s ’ est résumée à boire des coups et jouer dans des cybercafés . Comme j ’ aimais beaucoup la chaudronnerie , j ’ ai continué mon métier . Puis , à la demande de mon père , je suis rentré à Bordeaux où j ’ ai continué à m ’ enfoncer dans la dépression , l ’ alcoolisme et la solitude durant quelques années . J ’ étais entré dans un mode de pensée néfaste , persuadé de ne pas être adapté au monde dans lequel je vivais . Je me contentais de gagner ma vie et de passer le temps .
J ’ ai eu une prise de conscience qu ’ il me fallait sortir la tête de l ’ eau quand j ’ ai retrouvé un matin une lettre post-suicide que j ’ avais rédigée en étant complètement ivre . Mes parents étaient très inquiets et cela d ’ autant plus que mon foie commençait à souffrir de mon alcoolisme . À leur demande , j ’ ai arrêté de boire . L ’ accompagnement d ’ une psychologue pendant un an m ’ a aidé à reprendre ma place dans la société . Chacun à son tour , mes parents se sont occupés de moi à cette période .
PREMIERS PAS DANS L ’ ORTHOPÉDIE À Bordeaux , j ’ ai travaillé en chaudronnerie , puis en orthopédie dans l ’ entreprise de mon père qui employait une trentaine de personnes . Après avoir fait de la manutention , je me suis formé sur le tas . L ’ aspect manuel de l ’ orthopédie m ’ intéressait beaucoup . Être orthoprothésiste demande des connaissances théoriques et une maîtrise des matériaux pour mener à bien une mission réparatrice . La matière , principalement plastique , diffère des matériaux utilisés en chaudronnerie , mais les gestes sont les mêmes , notamment pour vérifier la perfection des bords ( pour ne pas blesser les patients dans le cas de l ’ orthopédie ). La démarche professionnelle est très similaire , selon moi , dans les deux métiers . Tout est sur-mesure .
En tant qu ’ orthoprothésiste , je fabriquais des corsets , des orthèses pour les articulations , des semelles et des prothèses de membres . J ’ étais sensible à l ’ impact de mon travail sur le bien-être de clients parfois très handicapés . Le premier patient dont je me suis occupé était un jeune de 18 ans , avec le corps d ’ un enfant de 8 ans , dans un état physique si dégradé qu ’ il avait besoin d ’ une coquille pour protéger son dos des secousses en voiture . Mon grand-père étant amputé des deux jambes , j ’ étais habitué au handicap . Je ne ressentais pas de pitié pour nos patients , j ’ étais à la recherche de solutions techniques pour leur apporter du confort .
Mes problèmes personnels n ’ étant pas complètement réglés , je ne m ’ investissais pas beaucoup dans mon emploi . À la suite de problèmes relationnels avec mes collègues , j ’ ai décidé de retourner à la chaudronnerie en intérim , choix qui m ’ a véritablement aidé à remonter la pente . Puis , j ’ ai enchaîné diverses expériences professionnelles : vendeur de jeux vidéo , ouvrier dans une usine d ’ embouteillage , surveillant dans un collège … C ’ est à cette période que j ’ ai rencontré ma compagne . J ’ ai retrouvé du travail en chaudronnerie dans une entreprise fabriquant des moules à béton pour les préfabriqués . J ’ ai alors réalisé que mon expérience du compagnonnage m ’ avait été bénéfique : j ’ étais de loin le plus compétent techniquement de l ’ atelier , même après une pause d ’ un an sans chaudronnerie . Par le passé , j ’ avais toujours eu le sentiment de ne pas être un très bon chaudronnier , par manque de dextérité . Or , on m ’ a confié de plus en plus de missions intéressantes .
Après cette expérience professionnelle , j ’ ai décidé de préparer un diplôme de niveau 4 , afin de devenir formateur , une envie née dès mon apprentissage . J ’ ai
# 347 / Janvier 2025