Horizon Weekend Montréal 08 Février 2014 | Page 3

Livre blanc et lunettes roses Éditorial Le Gouvernement du Québec a récemment publié son « Livre Blanc » relié à la Politique québécoise de la jeunesse. Intitulé « Une génération aux multiples aspirations », le document vise à orienter les actions à entreprendre afin de garantir aux travailleurs de demain les outils nécessaires à leur épanouissement. Cependant, une lecture approfondie de l’œuvre fait davantage penser à une liste des programmes sociaux de soutien qu’à une réelle étude des problématiques qui affecteront les jeunes durant les prochaines années. En premier lieu, on ne consacre dans le document que quelques pages au sujet de la situation de l’emploi, que l’on décrit avec optimisme en se basant sur la participation au marché du travail et la stabilisation du taux de chômage. Cependant, on n’y mentionne même pas la qualité ou la stabilité des emplois occupés, alors que le Québec a perdu cette année des dizaines de milliers d’emplois à temps plein pour les remplacer par des positions à temps partiel. De même, les emplois créés ont à peu près tous comme origine le secteur public, ce qui met en cause leur réelle contribution au développement de la richesse collective. On ne tente pas non plus d’expliquer le solde migratoire interprovincial négatif pour le Québec, qui chaque année publie un bilan net de milliers de travailleurs qui partent principalement vers l’Ontario et l’Alberta. Est-il probable que tous ces gens qui choisissent d’aller vivre ailleurs soient en grande majorité des ouvriers plus jeunes qui tentent leur chance dans une autre région du Canada? La logique va effectivement dans ce sens, mais on ne s’attarde pas à ce détail qui en dit malheureusement beaucoup sur la qualité des offres d’emploi dans la province. En complément à la situation du travail qui ne justifie guère l’optimisme affiché par les administrateurs publics, on doit automatiquement remettre en question la pérennité à long terme des programmes sociaux face à une économie qui, au mieux, stagne. On ne peut effectivement pas penser de façon crédible que les sommes accordées au Québec par la péréquation vont continuer à monter éternellement, alors que la province absorbera l’an prochain plus de 9 milliards de dollars de ce programme (près de 60% des sommes allouées pour le pays). Si certains peuvent argumenter que ce débat touche principalement la gestion du trésor public, il est incontournable que les jeunes soient les principales victimes du manque de prévoyance économique dans la province, alors que la génération des babyboomers part présentement à la retraite et que ses membres s’attendent maintenant à recevoir des prestations gouvernementales tout en devenant les principaux utilisateurs des systèmes publics. Cette question n’est même pas effleurée dans le document. Elle demeure cependant le réel «éléphant dans le salon» qui menace de façon directe la qualité de vie des prochaines générations. Ainsi, alors que de nombreuses sociétés occidentales sont en train de faire vivre à leur jeunesse les conséquences de leurs choix économiques désastreux (on peut penser à la situation de la Grèce ou de l’Espagne), le Québec se contente de publier un document qui fait penser au devoir d’un étudiant au baccalauréat qui n’a jamais connu les réels défis de la vie. Si cela représente réellement la motivation du gouvernement actuel face à l’avenir de la prochaine génération, cela annonce de bien mauvaises nouvelles pour ceux qui auront à assurer la relève de la société d’aujourd’hui. Le Journal Horizon Weekend - 08 Février 2014 - Page 3