Livre blanc et lunettes roses
Éditorial
Le Gouvernement du Québec a récemment publié
son « Livre Blanc » relié à la Politique québécoise
de la jeunesse. Intitulé « Une génération aux
multiples aspirations », le document vise à orienter
les actions à entreprendre afin de garantir aux
travailleurs de demain les outils nécessaires à
leur épanouissement. Cependant, une lecture
approfondie de l’œuvre fait davantage penser à une
liste des programmes sociaux de soutien qu’à une
réelle étude des problématiques qui affecteront les
jeunes durant les prochaines années.
En premier lieu, on ne consacre dans le document
que quelques pages au sujet de la situation de
l’emploi, que l’on décrit avec optimisme en se
basant sur la participation au marché du travail et
la stabilisation du taux de chômage. Cependant, on
n’y mentionne même pas la qualité ou la stabilité des
emplois occupés, alors que le Québec a perdu cette
année des dizaines de milliers d’emplois à temps
plein pour les remplacer par des positions à temps
partiel. De même, les emplois créés ont à peu près
tous comme origine le secteur public, ce qui met en
cause leur réelle contribution au développement de
la richesse collective.
On ne tente pas non plus d’expliquer le solde
migratoire interprovincial négatif pour le Québec,
qui chaque année publie un bilan net de milliers de
travailleurs qui partent principalement vers l’Ontario
et l’Alberta. Est-il probable que tous ces gens qui
choisissent d’aller vivre ailleurs soient en grande
majorité des ouvriers plus jeunes qui tentent leur
chance dans une autre région du Canada? La
logique va effectivement dans ce sens, mais on ne
s’attarde pas à ce détail qui en dit malheureusement
beaucoup sur la qualité des offres d’emploi dans la
province.
En complément à la situation du travail qui ne justifie
guère l’optimisme affiché par les administrateurs
publics, on doit automatiquement remettre en
question la pérennité à long terme des programmes
sociaux face à une économie qui, au mieux, stagne.
On ne peut effectivement pas penser de façon
crédible que les sommes accordées au Québec par la
péréquation vont continuer à monter éternellement,
alors que la province absorbera l’an prochain plus
de 9 milliards de dollars de ce programme (près
de 60% des sommes allouées pour le pays). Si
certains peuvent argumenter que ce débat touche
principalement la gestion du trésor public, il est
incontournable que les jeunes soient les principales
victimes du manque de prévoyance économique
dans la province, alors que la génération des babyboomers part présentement à la retraite et que ses
membres s’attendent maintenant à recevoir des
prestations gouvernementales tout en devenant les
principaux utilisateurs des systèmes publics.
Cette question n’est même pas effleurée dans le
document. Elle demeure cependant le réel «éléphant
dans le salon» qui menace de façon directe la qualité
de vie des prochaines générations. Ainsi, alors que
de nombreuses sociétés occidentales sont en train
de faire vivre à leur jeunesse les conséquences
de leurs choix économiques désastreux (on peut
penser à la situation de la Grèce ou de l’Espagne),
le Québec se contente de publier un document qui
fait penser au devoir d’un étudiant au baccalauréat
qui n’a jamais connu les réels défis de la vie.
Si cela représente réellement la motivation du
gouvernement actuel face à l’avenir de la prochaine
génération, cela annonce de bien mauvaises
nouvelles pour ceux qui auront à assurer la relève
de la société d’aujourd’hui.
Le Journal Horizon Weekend - 08 Février 2014 - Page 3