Jules Verne Pitre-Chevalier Édouard Bonnaffé
Trois écrivains fascinés par l ’ océan et inspirés par leurs origines bretonnes
Benoît Bonnaffé
Flirt sur le Channel est une nouvelle , publiée par mon arrière-grand-père , Édouard Bonnaffé , en décembre 1888 , alors qu ’ il était âgé de 19 ans .
Avant de la lire , je vous propose de la situer dans un contexte familial et maritime influencé par Jules Verne .
Origines d ’ Édouard , du côté paternel : des armateurs
Cinquième et dernier enfant d ’ Edmond Bonnaffé et de Marguerite Chevalier , Édouard est né à Paris en décembre 1867 et il y est décédé à 66 ans en janvier 1934 . Son père Edmond , né au Havre d ’ une famille d ’ armateurs avait abandonné la tradition après un siècle de succès et de déboires dans ce métier . Après des études de droit contrariées par la révolution de 1848 , Edmond entra à la compagnie des chemins de fer de l ’ Ouest . À 35 ans , le 7 janvier 1861 , il épousa Marguerite Chevalier , la fille unique de Pierre François Chevalier dit Pitre-Chevalier , ( Pitre signifiant Pierre ), né à Paimbœuf , journaliste au Figaro dont il fut directeur de la rédaction , écrivain aux facettes multiples comme on le verra dans la mouvance du courant romantique . Edmond cessa de travailler à la compagnie des chemins de fer de l ’ Ouest après son mariage avec l ’ héritière de Pitre-Chevalier . Il acheta un hôtel particulier à Paris rue de la Faisanderie et mena une vie de critique d ’ art . Cet érudit reconnu publiait au Figaro , à la Revue des 2 Mondes , à la Gazette des beaux-arts et au Journal des artistes . Il tenait salon chez lui le dimanche et recevait des célébrités littéraires , comme José Maria de Heredia , à qui il inspira des poèmes .
Son ouvrage Bordeaux il y a 100 ans , une étude d ’ un intérieur bordelais à la veille de la révolution avait été loué par la haute société de Bordeaux . Edmond y avait décrit Bordeaux en 1788 à partir de souvenirs de famille , donnant au premier armateur , François Bonnaffé , son arrière-grand-père , une seconde vie qui a beaucoup interessé des universitaires , vers 1990 . Il faut donc dire quelques mots de ce lointain ancêtre dont le parcours singulier est accessible sur internet . Arrivé en 1743 à Bordeaux avec une simple lettre de recommandation , il entra comme employé chez un négociant . Dans une ville en plein essor , il devint armateur très vite reconnu par ses pairs . Homme simple et droit , il ne pratiqua jamais le commerce triangulaire et refusa les titres de noblesse qu ’ on lui proposa . Ses succès lui permirent d ’ épouser Jeanne Boyer appartenant au milieu des armateurs . Il suivit les idées des Lumières , finança la première Montgolfière de la ville et fut ruiné par les assignats , puis par la Révolution et les guerres napoléoniennes qui avaient scellé le déclin de Bordeaux . Il ne reste de lui que quelques meubles , des lettres et un tableau de famille . Le souvenir de François s ’ était évanoui quand Edmond résolut qu ’ il en fût autrement . Il fit si bien qu ’ un siècle après la révolution de 1789 , Bordeaux honora François Bonnaffé , à l ’ occasion de ce premier centenaire de 1789 , d ’ un nom de rue dans le quartier Mériadec , eu égard à sa moralité , à sa personnalité et à ses largesses envers la population affamée pendant la révolution .
154 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n ° 100 - mars 2021