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De l’égalité formelle à l’égalité substantielle

La sénatrice Moreira a expliqué que la perspective utilisée pour définir l’enjeu de l’avortement a évoluée en cours de route. La problématique s’est initialement articulée autour de questions de santé : puisque l’avortement est illégal, celui-ci est souvent pratiqué dans des conditions dangereuses qui peuvent entrainer la mort de la femme enceinte. Par la suite, cet enjeu a été défini par rapport à l’autonomie corporelle des femmes. Finalement, l’avortement a été défini en termes de liberté : si une femme est obligée de mener à terme une grossesse non désirée, il s’agit d’une forme de violence contre son autonomie corporelle. Ces moyens de défendre le droit à l’avortement ont été nécessaires même si l'avortement était déjà légal sous certaines conditions en Uruguay.

Le rôle des mouvements des femmes en Uruguay dans la défense de cette loi ne doit pas être sous-estimé. Même si les groupes de femmes ont durement critiqué l’abandon de certaines dispositions de la loi, qui ont dû être abandonnées afin d’obtenir les votes nécessaires à l’adoption de la loi (tel que le droit à l'avortement, qui a été simplement dépénalisé plutôt que légalisé), elles étaient également les plus redoutables défenderesses de la loi lorsqu'une initiative a été déclenchée pour l'abroger. C'est le défi de la sphère politique, a commenté la sénatrice Moreira. « Pour tout progrès dans les droits des femmes, il est nécessaire de trouver un terrain d'entente entre les plus hautes exigences des mouvements sociaux et l'exigence des partis politiques d’en arriver à un compromis ».

La loi sur l'Interruption volontaire de grossesse comprend trois éléments importants: 1) l'IVG jusqu'à 12 semaines repose uniquement sur le choix de la femme ; 2) le système de santé est tenu de pratiquer l'avortement comme un service médical ; 3) les services d’avortement doivent être fournis gratuitement à toutes les femmes.

Interrogée sur les exemples de résultats positifs depuis l'adoption de la loi, la sénatrice Moreira a souligné que d’une part, aucun décès maternel n’a été enregistré en raison de l'avortement – une statistique accueillie par les applaudissements du public – et, d’autre part, une diminution du taux de grossesse chez les adolescentes a été observée, malgré l'âge de plus en plus jeune auquel les filles ont des relations sexuelles pour la première fois.

La sénatrice Moreira a toutefois souligné que la mise en œuvre de cette loi importante demeure incomplète.

Il existe encore un grand écart entre la loi sur

papier et la loi comme un droit acquis

dit-elle. Par exemple, de nombreux médecins s’objectent moralement à l’avortement, forçant des femmes à se rendre dans une autre province pour obtenir ces services médicaux. De plus, les femmes continuent à recourir à des services clandestins en raison de la stigmatisation associée à l'avortement. Quand on transforme un crime en droit, il y a un sentiment persistant de culpabilité parmi une grande partie de la population, et ce sentiment doit être déconstruit.

En se remémorant sa carrière en tant que femme politicienne défendant les droits des femmes, la sénatrice Moreira a aussi parlé de son expérience comme candidate aux élections présidentielles contre Tabaré Vázquez. « J'ai perdu et il a gagné », a-t-elle dit. « Je peux vous garantir toutefois que je pourrais écrire un livre, voire plusieurs livres, sur les difficultés du leadership des femmes en politique lorsque nous sommes en concurrence pour les postes de haut niveau. Je vais aussi dire très ouvertement que je suis sénatrice parce qu'un homme m'a mis sur la liste des candidats. [..]

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