Gang de Biches Numéro 4 - Mars/Avril 2019 | Page 41

PRENDRE ET RECEVOIR - 41 NOUVELLE ÉROTI Q UE L'ORIGINE DU RIVAGE Comme une madeleine de Proust, je cherchais dans tous mes gestes, dans tous mes mots, comment faire revivre ces moments que je voulais immortels. Sans cesse revenait ce souvenir, celui de ton corps contre ma peau, de ton odeur, de ton goût. Allongée sur le sable, je me délecte des doux rayons du soleil de cette matinée dégagée, pendant que la brise estivale chante encore à mes oreilles des bribes de nos conversations. Le grondement des vagues me rappelle la puissance de notre étreinte. Réminiscence de ton souffle sur ma nuque, j’ai soudainement envie de me jeter dans l’océan pour ressentir encore la violence de ta passion. Le sable chaud sur mes seins nus me donne l’illusion de tes mains sur moi. Sur mon ventre chaque grain griffe ma peau comme le faisaient doucement tes ongles lorsqu’ils retiraient ma petite culotte. Delta de mes cuisses, collées l’une contre l’autre, transpirantes, fief inexorable de l’excitation que tu provoques chez moi. Le bruit du vent dans les arbres et rasant le sable est pareil à celui de ton corps dans mes draps, de tes caresses sur ma peau. Je me sens comme cette plage, ce rivage humide, mouillé, qui réclame à chacune de tes vagues que tu viennes accomplir ton oeuvre la plus ancestrale; me lécher, me violenter, m’éroder, me limer de toute ta force. Ma peau comme falaises et mon corps comme vallées, au bord de l’eau, l’écume vient claquer sur ta langue qui assoiffe mes reins. Mais comme un tsunami dévastateur, avant d’envahir, chaque fois l’océan se retire. Je veux être innondée de toi, de ton amour, de ton iode, que coulent sur moi les pluies diluviennes de ta puissance, que nos éléments se déchainent et que mes moussons assènent à notre union mon désir tropical. Je te sens mistral, fort et déterminé à tout pénétrer, à tout dévaster sur ton passage, soulevant ciel et terre avant de tout purifier. À travers mes paupières fermées le soleil projette la couleur de ta peau. Je lèche mes doigts et reconnais le goût de ta langue. Étourdie par la chaleur de midi, je me lève, contemplant dans cette luminosité religieuse chaque grain de sable collé sur ma peau comme les prémices de ma métamorphose, et plonge dans l’océan brutal, trempée de ton souvenir, pour me sentir enveloppée de toi et de notre jouissance passée. Je te laisse m’emporter dans ta mémoire, t’embarque dans la mienne tout en flottant au gré des vagues souples et délicates de notre rencontre, et me laisse bercer par notre délicieux naufrage.