Gang de Biches Numéro 4 - Mars/Avril 2019 | Page 24
24 - PHYSIQUE CHIMIE
J’ai passé mon enfance et mon adolescence à
chercher des « solutions » à mon « problème ».
S’accepter n’était évidemment pas envisageable,
cette option ne m’était même jamais venue à
l’esprit. Me voilà donc partie sur la route des
dépenses inutiles : sèche-cheveux, lisseur, peigne,
brosse, défrisant, et autres produits anti frisottis.
Des années à me faire du mal, à me rabaisser. Tout
ce temps à me répéter : « Si tu n’avais pas ces
cheveux-là, tu serais belle », « Il ne faut pas qu’on
te voit comme ça », « Ne montre jamais tes cheveux
naturels sinon personne ne voudra de toi ».
Les réponses sont bien plus évidentes que l’on
croit. D’une part, je perds de l’argent, du temps et de
l’énergie à m’épiler et je ne sais même pas quand,
comment et pourquoi j’ai retiré mes poils pour la
première fois ! Je n’ai pas envie de m’interdire ou de
m’imposer ces choses sous prétexte que « ce n’est
pas joli sur une femme ». En plus, les poils ont plus
d’une fonction au sein du corps ! Ensuite, c’est aussi
Puis un jour, j’ai compris. Ce que je pensais être
ma plus grande faiblesse était finalement ma
plus grande force. J’ai réalisé que c’était moi qui
transformais mes atouts en défauts. J’abîmais mes
cheveux plutôt que de les soigner, je les dénigrais
au lieu de les valoriser. En ne les acceptant pas, je
reniais une partie de mon identité. Et grâce eux, je
Et là, alors que je pensais avoir banni toute forme
de malveillance envers moi-même, j’ai ouvert les
yeux sur mon ultime problématique : mes poils.
Tout les monde déteste ça, c’est normal de les
détester, c’est normal d’essayer de les enlever par
tous les moyens, c’est normal d’en avoir honte… Ah
bon…? Attendez, qui a décrété que c’était moche ?
Qui a décrété qu’on devait les arracher ? On laisse
pourtant bien les hommes tranquilles. Mais si tout
le monde s’accorde à dire que c’est normal de les
trouver moches, pourquoi j’ai changé d’avis ?
pouvais inspirer, décomplexer, réunir, encourager,
libérer des femmes. Juste en les laissant vivre et en
les assumant au grand jour.
Les complexes m’ont bouffé une partie de ma vie,
de mon enfance et de mon adolescence car je leur
ai accordé beaucoup trop de temps et d’énergie. Je
les ai donc banni de ma vie à tout jamais. J’ai décidé
que chaque partie de mon corps était parfaite,
que j’étais mon idéal de beauté ! Ça m’a pris du
temps. Apprendre à me respecter, à m’encourager,
à me parler à voix haute uniquement pour me dire
des choses positives. Je me comportais enfin avec
moi-même comme j’aurai pu me comporter avec
ma meilleure amie ou avec ma mère. Ouvrir la
bouche uniquement pour apporter du soutien, des
remarques certes, mais constructives et toujours
bienveillantes. À partir de là, tout ce que je ne
pouvais ni dire ni penser de ma mère, je ne pourrais
ni le penser, ni me le dire à moi-même.
parce que je connais trop de femmes qui s’épilent
et trop peu qui ne s’épilent pas. Et que je connais
trop d’hommes qui ne s’épilent pas et trop peu qui
s’épilent... J’ai envie de porter un message, juste en
marchant dans la rue la tête haute, pour toutes ces
jeunes femmes qui me disent que leurs parents les
forcent à s’épiler. Parce que finalement, je n’aime
tout simplement pas l'épilation et que je ne me suis
jamais sentie aussi forte, belle et impressionnante
que depuis que j’ai abandonné mon rasoir et ma
crème d’épilatoire. À une époque, j’étais prête à
tout pour être un symbole de beauté, une femme
parfaite que tous les hommes voudraient et que
toutes les femmes jalouseraient. Je voulais être
belle, désirable, attirante. Aujourd’hui, je ne désire
qu’une chose : me sentir bien, peu importe ce que
je porte, avec ou sans l’approbation des autres,
avec ou sans mes poils, avec ou sans vêtements.
Mon corps n’a pas de défaut ou de qualité, il n’a
que des messages à faire passer.