Parfois la prise est plus inattendue : un
brochet, attiré par un vif frétillant de
vigueur…
De notre coté, les démarrages sont
souvent un peu poussifs et, pour une
raison inconnue, de nombreuses touches
ne se concrétisent jamais vraiment…
Alors nous blâmons le premier qui nous
tombe sous la main. C’est forcément lui
qui porte la poisse. Pas de doute, on est
objectif.
On change nos montages,
on essaie
d’autres techniques. On en profite pour
boire un café et manger un bout.
Quand la canne est sortie de l’eau,
c’est aussi le moment pour lever les
yeux, profiter du spectacle désormais
offert par la lumière du soleil et se dire
qu’on est quand même mieux ici que
n’importe où ailleurs !
A 1250 mètres d’altitude, le
dépaysement est total, même pour un
Auvergnat. Ceux qui rêvaient du Grand
Nord peuvent toujours se pincer : ils y
sont !
D’abord apparaît l’immense étendue
aussi blanche que plate sur laquelle on
se tient. Les québécois diraient que «
c’est blanc longtemps ». Le lac est un
ovale de 25 hectares, qui annonce la
couleur : le sport roi, ici, c’est le rugby.
Enfin, plus précisément celui des «
jaunards », l’équipe Clermontoise. Un
conseil à ce propos : soyez au fait des
derniers résultats de l’équipe car làbas, on en parle. Beaucoup.
Puis on lève encore un peu le regard et,
a utour de nous, émerge un relief qui ne
cesse de s’élever depuis les berges du
lac. Comme pour nous rappeler que
nous sommes paisiblement en train de
pêcher au fond du cratère d’un volcan
qui a déjà vu passer deux millions
d’hivers.
Enfin, à l’est du lac, derrière l’auberge,
se dévoilent les courbes des monts
Dore, qui dominent la région depuis
l’époque où Lucy s’est dressée sur ses
jambes, il y a trois millions d’années.
Entièrement couverts de neige et
lézardant au soleil, ils nous font oublier
la température polaire qui nous
engourdit les doigts au moment
d’accrocher l’appât sur l’hameçon.
Car ni ce paysage unique, ni la masse de
glace qui commence à travailler sous
l’effet du soleil dans un fracas
déconcertant, ni le clapotis des vagues
qui s’agite sous nos pieds et remue
l’eau en surface de nos trous ne
sauraient nous détourner de l’objectif
principal.
La canne est donc remise à l’eau.
Quelques secondes s’écoulent, le temps
que l’appât touche le fond. On se
recule, on remet les gants. Le bouchon
frétille, part d’un coté, puis s’enfonce !