#Fishme Issue 14 #Fishme 14 | Page 65

Parfois la prise est plus inattendue : un brochet, attiré par un vif frétillant de vigueur… De notre coté, les démarrages sont souvent un peu poussifs et, pour une raison inconnue, de nombreuses touches ne se concrétisent jamais vraiment… Alors nous blâmons le premier qui nous tombe sous la main. C’est forcément lui qui porte la poisse. Pas de doute, on est objectif. On change nos montages, on essaie d’autres techniques. On en profite pour boire un café et manger un bout. Quand la canne est sortie de l’eau, c’est aussi le moment pour lever les yeux, profiter du spectacle désormais offert par la lumière du soleil et se dire qu’on est quand même mieux ici que n’importe où ailleurs ! A 1250 mètres d’altitude, le dépaysement est total, même pour un Auvergnat. Ceux qui rêvaient du Grand Nord peuvent toujours se pincer : ils y sont ! D’abord apparaît l’immense étendue aussi blanche que plate sur laquelle on se tient. Les québécois diraient que « c’est blanc longtemps ». Le lac est un ovale de 25 hectares, qui annonce la couleur : le sport roi, ici, c’est le rugby. Enfin, plus précisément celui des « jaunards », l’équipe Clermontoise. Un conseil à ce propos : soyez au fait des derniers résultats de l’équipe car làbas, on en parle. Beaucoup. Puis on lève encore un peu le regard et, a utour de nous, émerge un relief qui ne cesse de s’élever depuis les berges du lac. Comme pour nous rappeler que nous sommes paisiblement en train de pêcher au fond du cratère d’un volcan qui a déjà vu passer deux millions d’hivers. Enfin, à l’est du lac, derrière l’auberge, se dévoilent les courbes des monts Dore, qui dominent la région depuis l’époque où Lucy s’est dressée sur ses jambes, il y a trois millions d’années. Entièrement couverts de neige et lézardant au soleil, ils nous font oublier la température polaire qui nous engourdit les doigts au moment d’accrocher l’appât sur l’hameçon. Car ni ce paysage unique, ni la masse de glace qui commence à travailler sous l’effet du soleil dans un fracas déconcertant, ni le clapotis des vagues qui s’agite sous nos pieds et remue l’eau en surface de nos trous ne sauraient nous détourner de l’objectif principal. La canne est donc remise à l’eau. Quelques secondes s’écoulent, le temps que l’appât touche le fond. On se recule, on remet les gants. Le bouchon frétille, part d’un coté, puis s’enfonce !