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Dossier

Mabrouka

J ’ ai 44 ans , je suis mariée et j ’ ai 2 enfants .
Est-ce que le travail de « harza » est votre premier métier ? Non , j ’ étais femme de ménage de 20 à 25 ans puis je suis devenue harza et j ’ ai travaillé dans 4 hammams .
Est-ce que vous avez choisi de faire ce métier ou c ’ est par obligation ? Non c ’ est par choix , c ’ est mieux que de travailler comme femme de ménage , en tout cas pour moi c ’ est plus honorable comme métier car il y a le rapport humain et la purification .
D ’ après vous , pourquoi les femmes vont-elles au hammam ? Pour se laver de façon complète et avoir un grand moment de détente , mais surtout pour papoter . Il ne faut pas oublier que c ’ est un lieu où se tissent des liens sociaux et même encore aujourd ’ hui , cela donne l ’ occasion à certaines femmes de repérer des filles célibataires et d ’ en choisir une pour leur fils .
Etes-vous satisfaite de votre salaire ? Pas vraiment mais bon je dois faire avec , au moins avec ce métier je peux satisfaire les besoins de ma famille . Mais je pense que je vais chercher un autre travail en parallèle .
Par ailleurs , je fais aussi l ’ épilation ou le tatouage (« harkous ») quand l ’ occasion se présente . Ma mère m ’ a appris à faire ce dernier et cela me permet de gagner plus d ’ argent .
Comment votre métier est-il perçu par votre entourage ? C ’ est un métier comme un autre . Je sais ce que l ’ on pense des « harza » mais je dois avouer que je n ’ ai jamais ressenti le moindre manque de respect pour mon métier de la part de ma famille ni de mon voisinage . Je pense que c ’ est de l ’ histoire ancienne tout cela et qu ’ il n ’ y a pas de sots métiers !

Meriem

Je m ’ appelle Meriem , j ’ ai 38 ans et je suis laveuse mortuaire . Ce n ’ est pas mon métier , c ’ est juste pour « thweb » ( la bonne action ). Je suis ouvrière dans une usine , je suis mariée et j ’ ai 2 enfants . Mon mari est maçon . J ’ ai appris le lavage mortuaire par une amie .
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Est-ce que vous faites ce métier par choix ou par obligation ? Ce n ’ est pas par obligation . J ’ aime bien le faire parce qu ’ il y a thawâb . En plus , ce n ’ est pas fatigant .
En quoi consistent les rituels effectués lors du lavage ? Ce sont les rituels du « wûdu » et les rituels du « ghusl » avec le matériel nécessaire . On prend soin du corps de la défunte et on ne regarde pas ce dernier . Tout se passe sous une couverture .
Quel est votre ressenti lors de la cérémonie du lavage mortuaire ? A vrai dire ce n ’ est pas facile du
tout comme métier , surtout au début . On est devant un corps sans âme , on n ’ est pas habitué à voir et à toucher un corps sans vie , on est confronté à la mort et cela fait ressurgir toutes nos angoisses . Mais avec le temps et les discussions avec mon amie , j ’ ai appris à gérer mes angoisses et à faire cela dans les règles de l ’ art , surtout que j ’ aurai des « hâsanet ».
Où avez-vous appris à effectuer ces rituels ? C ’ est mon amie qui m ’ a appris ce métier . J ’ ai assisté avec elle à plusieurs cérémonies et à chaque fois , elle me prodiguait ses conseils et me parlait longuement de tous les rituels nécessaires pour que tout soit fait conformément à nos traditions . J ’ ai même regardé sur Youtube des vidéos qui parlent de ce sujet .
Etes-vous rémunérée pour votre travail ? Certaines laveuses se font payer mais moi non . Je le fais bénévolement . Si les familles veulent me payer , je refuse . Je lave les corps de personnes mortes pour l ’« âjr », pas pour de l ’ argent .
Comment votre métier est-il perçu par votre entourage ? C ’ est vrai qu ’ exercer un métier où l ’ on côtoie la mort presque quotidiennement peut sembler bizarre , mais il ne faut pas en oublier le caractère sacré . Je prépare une personne à aller devant Dieu . Moi j ’ en suis fière et je me dis que je serai récompensée
pour cela après ma mort . Mon mari est très croyant et il me porte du respect pour ce que je fais . Quant à ma famille et à mon voisinage , sachant que je suis ouvrière dans une usine et que je suis « ghasselet mouta », uniquement pour la bonne action , ils m ’ accordent une grande estime .