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m o t du m  l e « Partir un jour, sans retour » France, Canada, Belgique, Angleterre, Roumanie, Italie, Corée du Sud, Australie : partout… sauf ici! Depuis une décennie, de plus en plus de Tunisiens quittent la Tunisie pour continuer leurs études ou commencer une nouvelle vie. Leur but : trouver mieux. Si certains reviennent après un certain temps avec une expérience acquise, d’autres choisissent un aller simple. Comment peut-on l’expliquer ? D’abord, pour les libertés individuelles. Un couple qui se tient par la main ou s’embrasse dans la rue sont deux choses totalement naturelles et banales. Comment peut-on alors s’imaginer une seconde que deux personnes qui manifestent en public des gestes tendres peuvent, en 2017, s’attirer les foudres de certains policiers ou d’une partie « conservatrice » de la population ? Même chose pour le concubinage, toujours « interdit » en Tunisie pour une raison qui nous échappe encore -même si l’on se doute bien que la sexualité hors mariage est au cœur du débat. En 2017, pour vivre paisiblement sous le même toit que son/sa compagnon/compagne, il faut obligatoirement l’épouser. Si deux amies ont le « malheur » de songer à vivre en colocation, elles tomberont forcément sur des propriétaires exigeant que le contrat ne soit scellé qu’avec ou en présence d’un mâle. À prendre ou à laisser. Ensuite, le transport. Des décisions radicales auraient pu être prises quant à la fréquence de passage des bus et à l’expansion de leur itinéraire, à l’amélioration des horribles arrêts d’autobus -qui souvent n’existent pas, à l’arrogance de certains chauffeurs de taxi et à leur compteur encore et toujours éteint à l’aéroport, etc. Pour se déplacer en Tunisie, mieux vaut donc avoir une voiture et, surtout, avoir les yeux partout comme si l’on jouait au flipper. On ne veut même pas imaginer comment des « Vélibs » pourront circuler l’année prochaine sans être renversés comme des quilles de bowling. À vrai dire, il faudrait déjà commencer par expliquer aux conducteurs qu’ils sont dans l’obligation de s’arrêter et laisser passer des piétons lorsqu’ils sont sur un passage clouté. Encore faut-il qu’il existe… On ne parlera pas des sportifs tunisiens médaillés à l’international et sous- estimés ou oubliés chez eux, au vide abyssal du contenu des émissions de télévision, aux prix exorbitants des fruits et légumes même en pleine saison, aux administrations constamment anesthésiées, à l’absence d’infrastructure adaptée aux personnes à mobilité réduite, etc. Autant de détails de la taille d’un grain de sable aux yeux de nos dirigeants mais qui, in fine, engloutissent lentement la société dans des sables mouvants. Certains font avec. D’autres, en sentant arriver le danger, quittent le navire… Aziz Béjaoui 46 47