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culture

Rencontre avec

Roberte Mamou

Vos compositeurs préférés? Je n’ ai pas de compositeurs préférés. Disons que je vais plus vers ce qui est du récital et du compagnonnage classique plus qu’ une période après 1920 … Et mon compositeur préféré, c’ est celui que je suis en train de jouer à l’ instant que je joue. Sinon, je ne le choisirais pas.
Une artiste qui monte? Je vais être honnête: j’ en ai un peu marre de la jeune génération parce que je ne sais pas ce qu’ elle va donner. Pour le moment, ce que je vois, c’ est que c’ est un peu comme des étoiles filantes. Après, je ne sais pas si dans la durée ça va tenir. Je vois beaucoup de pianistes qui restent un an, deux ans, cinq ans et puis, on n’ en entend plus parler. Moi ce que j’ aime, c’ est un pianiste qui marque un répertoire de son interprétation. C’ est pour ça, pour moi, qu’ il existe.
Si votre vie devait être une œuvre musicale, laquelle choisiriez-vous? Il y a une œuvre que j’ adore, c’ est « Les planètes » de Holst. Ça parle des planètes: c’ est ça qui m’ intéresse. Je suis très tournée vers l’ astrologie … donc les planètes, ça me plaît!
Dimanche 29 octobre, Roberte Mamou se produisait sur la scène de l’ Acropolium à l’ occasion du 23e Octobre Musical, à Carthage. L’ occasion idéale de rencontrer, deux jours avant, cette grande pianiste tunisobelge qui a créé l’ Octobre Musical, il y a une vingtaine d’ années, avec Mustapha Okby.
Vous êtes multi-récompensée, vous vous êtes produite dans le monde entier, votre parcours est exemplaire: qu’ avez-vous encore à prouver? Oui, bien sûr. Toujours. Le parcours musical de quelqu’ un, c’ est une histoire de vie. On n’ est pas pianiste et puis on fait son ménage et puis on lit et puis on fait à manger. On est pianiste toute la journée. Ça vous tient à longueur de temps et on ne peut vivre sans. Cela veut dire que c’ est un appel, c’ est comme une vocation. On n’ a pas choisi. C’ est comme si l’ on avait reçu quelque chose, on doit absolument vivre avec ça et grandir avec. Sur mon programme [ du concert du dimanche 29 octobre à l’ Acropolium ], il y a des réflexions sur ce que je vais jouer. Le seul voyage intéressant, c’ est le voyage de l’ intérieur et pour moi, le piano en fait partie. C’ est un moyen de m’ exprimer, d’ avoir trouvé comment je pouvais crier. Je ne pouvais pas ouvrir la fenêtre et crier. J’ ai donc trouvé un moyen.
Qu’ appréciez-vous le plus dans votre métier? Ce qui me plaît, c’ est le partage. Je ne vais pas faire de grands discours très éloquents en disant: « Je donne aux gens et ils vont me le rendre »… pas du tout. C’ est comment je peux transmettre ce que moi j’ ai reçu et uniquement dans ce but-là. Je dis toujours, et je l’ ai dit à mes étudiants, il y a peut-être une dizaine d’ années que j’ entends que les applaudissements sont pour moi. Jusquelà, je ne les avais jamais entendus. Je rentrais sur scène et saluais automatiquement comme un automate. Maintenant, avec le temps, je sais que si je fais un récital, ils sont venus pour moi et ils sont pour moi. Mais c’ est très difficile, ça demande 30, 40 ans de vie. C’ est un parcours de longue haleine de faire ce métier-là. C’ est un métier où il faut être très équilibré.
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