mot du mÂle
Attachez votre ceinture!
Depuis le 27 avril, conducteurs et passagers d’automobiles tunisiens
sont dans l’obligation d’attacher leur ceinture de sécurité. Une
situation qui n’est certes pas inédite en Tunisie mais qui devrait
mettre fin, en théorie, à une longue période de non-réactivité face
aux dizaines de milliers de morts chaque année. Selon une étude
publiée en 2016 par l’association ASFA, 24,7% des personnes
tuées sur la route n’avaient pas attaché leur ceinture à l’avant du
véhicule. Il était donc temps de prendre le taureau par les cornes,
d’autant que l’obligation du port de la ceinture en voiture est quasi-
généralisée dans le monde. Un problème qui ne semble pas pour
autant préoccuper les Tunisiens, plus soucieux du choix du lieu de
leur prochain café.
En réalité, tout le monde en fait fi… car en cas de non-port de la
ceinture, le conducteur -ou passager- devra payer une amende de 40
DT. Au vu de l’efficacité prouvée de la ceinture en cas d’accident de
la route, cette pénalité paraît davantage symbolique que dissuasive.
Si l’idée d’être blessé, de mourir, de perdre ses proches ou d’y
survivre en gardant de lourdes séquelles ne semblent pas déranger le
conducteur, ce n’est pas une sanction de 40 DT qui va le persuader
d’appliquer la loi. Ce n’est pas important.
L’on rencontre également auprès de nombreux conducteurs
tunisiens une attitude d’optimisme exagéré. Pour eux, la route -qui est
tout de même dans un état déplorable- est parfaitement maîtrisable.
Il ne peut rien se passer. De ce fait, nous assistons chaque jour à cette
vision d’horreur de bébés sur les genoux de leurs mamans -assises
elles-mêmes côté passager- ou à de très jeunes enfants à
l’avant du véhicule comme si, pour le conducteur,
l’idée de freiner était inconcevable. Nous ne
parlons même pas des femmes enceintes
assises à l’avant sans protection aucune.
Pourtant, selon une étude publiée en
2008 dans l’American Journal of Obstretics
and Gynecology, les femmes assises à l’avant
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d’un véhicule roulant à 30km/h sans ceinture de sécurité ont 70%
de risques de perdre leur bébé. Ce n’est pas non plus important.
Pour sensibiliser le conducteur au danger permanent auquel il est
exposé à cause de la vitesse et du non-port de la ceinture de sécurité,
il est donc nécessaire de lui marquer l’esprit par des campagnes
choc, sur la route, à la télévision ou à la radio -et non par une gentille
bannière avec de jolies couleurs; lui rappeler que l’amende de 40
DT, s’il compte la transformer en un joli billet à monsieur l’agent,
n’est pas là pour faire joli ou justifier une interdiction. La ceinture
sauve une vie. Ces millions de familles qui ont perdu un proche en
savent quelque chose…
Aziz Béjaoui
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