FdT Dec 2015 | Page 38

culture

Théatre

Violence ( s )

Fadhel Jaibi
Début novembre , le public a eu l ’ occasion de découvrir la dernière création du duo Jaibi / Baccar , intitulée « Violence ( s ) ». Dans la pièce , nous sommes dans ce qui pourrait nous rappeler un parloir , ou une prison . Les comédiens sont des tueurs ou des présumés criminels qui , lors d ’ un moment de faiblesse , auraient craqué et tué . D ’ emblée , les détails sont déstabilisants , le champ lexical est cru , dur , frappant : « sang , tête fracassée , égorger , couteau , parois déchiquetées , frapper jusqu ’ à la mort , ne plus respirer , enfourner dans un four à pain ( Tabouna ), mort , tuer , homicide , parricide , viol , etc . » Qu ’ est-ce qui fait que l ’ on bascule de
l ’ autre côté ? Les personnages y racontent leur histoire , poussés par un avocat-inspecteur ( Noomane Hamda ). D ’ abord dans le déni , parfois dans l ’ hallucination , frôlant la folie , les personnages se livrent , et livrent petit à petit des tableaux et des récits , aussi noirs que durs , de leur passage à l ’ acte . De l ’ homosexuel amoureux à la mère trahie , en passant par les élèves agressifs , ou encore les attentats terroristes , la pièce de théâtre met en scène des personnages aussi complexes qu ’ horrifiants . Et c ’ est Jalila Baccar , Fatma Ben Saidane , Lobna M ’ lika , Noomane Hamda et les jeunes acteurs issus de la première promotion de l ’ Ecole de Théâtre , à savoir Aymen Mejri , Nesrine Mouelhi , Ahmed Taha Hamrouni et Mouin Moumni que nous avons retrouvé sur scène dans une époustouflante performance . « Violences » nous met mal à l ’ aise à travers un récit violent et détaillé , une musique électronique jouée en live , une lumière parfois dérangeante , une tension continue et une fin inattendue . Une pression maintenue près de deux heures durant , mais hors de question de quitter son siège . Dans « Violences » on reste scotché , comme cloué face à notre affreuse réalité . Pourtant , « Un homme , ça s ’ empêche . » comme nous le rappelle le personnage de Nooman Hamda en citant Albert Camus . Mais il n ’ est pas rare de voir surgir le monstre qui se trouve assez souvent en l ’ homme . Fadhel et Jalila nous entraînent dans une approche à la fois sociologique et psychologique sur la thématique de la violence . La question du « pourquoi tue-t-on ? » est posée et la pièce marque un tournant intéressant dans le traitement théâtral que nous a présenté jusque-là le duo Jaibi / Baccar . A voir absolument !

Livre

Les Prépondérants

Hédi Kaddour
En 1922 , une équipe de tournage débarque à Nahbès , petite ville du Maghreb . Cette intrusion hollywoodienne , synonyme de modernité et de liberté , bouleverse le quotidien des habitants et avive les tensions entre les notables traditionnels , les colons français et les jeunes nationalistes . De la collision entre ces mondes et ces cultures naissent des destins et des histoires d ’ amour .
Le livre du Franco-Tunisien Hédi Kaddour a frôlé le Goncourt 2015 en ravivant les années 1920 . « Les Prépondérants » fait référence au club réunissant les notables « européens » et excluant les Arabes et les Juifs de la ville de Nahbès . Usant de l ’ orientalisme foisonnant et riche , Hédi Kaddour raconte la vie d ’ une ville d ’ Afrique du nord après la Première Guerre mondiale . Il y est question de colonialisme , d ’ éclectisme , de machisme , d ’ orientalisme , ( fil conducteur des 5 ouvrages en lice pour le prix Goncourt ), de communisme , etc . et tout ce qui a fait les combats d ’ après-guerre . A lire !
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