m o t du m  l e
Eloge de la
femme naturelle
uand on m’a proposé
d’écrire le mot du mâle
dans Femmes de Tunisie, j’ai d’abord
pensé à une blague.
Bien que le titre soit
chargé en hormones,
on attend surtout des
hommes qui écrivent sur
ce genre de
support qu’ils
pondent des
compliments féministes dithyrambiques du genre «la femme est l’avenir
de l’homme» ou l’encore moins original «derrière chaque grand homme
se cache une femme». Je crois qu’il
n’y a rien de plus emmerdant que ce
genre de paternalisme, cet excès dans
la défense des femmes qui donnerait
presque l’impression d’avoir affaire à
des protecteurs d’une espèce en voie
de disparition. Dès lors, demander à
un gars comme moi, plus connu pour
ses blagues misogynes que pour ses
envolées féministes, d’écrire dans le
premier magazine féminin de Tunisie,
c’est un peu comme demander à des
militants d’Ennahdha de manifester
contre le terrorisme. Ah non, ils ont
osé faire ça le mois dernier… Bon, bah,
c’est comme demander à DSK de plaider pour la fidélité!
Surtout que les magazines sont financés par mes pires ennemis: le parfum, le maquillage et les colorations. Toutes ces inventions qui ailleurs
sont utilisées sans excès, pour mettre en valeur, mais dont certaines
femmes ici abusent. Pas toutes, mais déjà trop à mon goût. On finit par
ne plus savoir si on fréquente une femme ou une valise d’échantillons
de cosmétiques.
La femme, je l’aime pour ce qu’elle est, comme elle est! Je n’aime pas,
en revanche, avoir à me demander à quoi elle ressemble en vrai, sans ses
cheveux teints, derrière ses lentilles, sous sa couche de maquillage. Cet
abus de tout rend à mes yeux la femme naturelle… extraordinaire!
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Femme naturelle, je te trouve belle
parce que je n’ai pas besoin d’imaginer
quelle couleur ont tes rétines pour me
plonger dans ton regard, j’aime que tu
ne te transformes pas de jour en jour,
au point qu’il me faille crier ton nom
au milieu de femmes surmaquillées
pour te trouver. J’aime caresser tes cheveux simples, naturels, qui ne sont pas
asséchés par les teintures qui donnent
à la chevelure de certaines autant envie
de les toucher que de caresser des barbelés. J’aime t’embrasser sans avoir
besoin d’une truelle pour retirer le
gloss ou le rouge à lèvres étalé sur les
tiennes. J’aime me plonger dans ton
cou sans craindre de perdre connaissance à cause des vapeurs du litre de
parfum dont tu t’asperges chaque matin. J’aime goûter à ta peau sans avoir
besoin de me brosser les dents pour
retirer de ma bouche ton goût de fond
de teint.
Dans une société d’apparence où aimer et posséder, désaimer et détruire
se confondent, tu es, femme naturelle,
l’équilibre qui rappelle que nous ne
sommes pas condamnés à choisir un
extrême ou l’autre! Tu sais qu’on peut
embrasser sans avoir d’aventure, avoir
une aventure sans penser au mariage. Tu sais que la vie, ce n’est pas parler d’amour comme dans les films ou les livres mais vivre en acceptant
les joies et les peines qui vont avec toute relation émotionnelle. Tu sais
que nous ne sommes pas condamnés à limiter nos pensées, nos sentiments, nos choix aux autres, même aux siens, à la société, même à la
sienne.
Femme naturelle, je t’ai imaginée, ce doit être pour cela qu’il m’est
facile de t’aimer!
So now, back to reality !
Lotfi Hamadi