Depuis la création de son blog
«Débat Tunisie» en 2007,
-Z- n’a cessé de dénoncer, d’être
«la voix du citoyen tunisien
qui ne peut s’exprimer. C’est ce
citoyen opprimé, non concerté
dans les prises de décision que
j’ai voulu d’abord représenter
à travers mon personnage de
flamant rose, l’icône du blog.
A l’époque de la création de
cet espace d’échange virtuel, je
m’intéressais au projet qui devait se concrétiser dans la zone
du lac de Tunis, le fameux “Sama Dubaï”. En tant
qu’architecte, j’y étais farouchement opposé et
ce fut le déclic pour moi. Il fallait que je trouve
un moyen d’exprimer mon mécontentement, de
donner mon avis, de critiquer sans pour autant
m’attirer les foudres des autorités. J’ai ainsi choisi
la métaphore animale… peut-être parce que ce
flamant rose me ressemble physiquement aussi…
longiligne comme moi.»
Je reste méfiant par
rapport aux ministères,
aux gouvernements qui se
succèdent.
Le flamant rose qui dérange
Son blog ne tarde pas à déranger. -Z- n’hésite
pas à traiter de tous les sujets. Ses critiques de la
société sont acerbes, ses accusations directes et sa
plume acide envers les décideurs. Le site est censuré en Tunisie en 2008. -Z- continue néanmoins
de poster ses dessins accompagnés de textes incisifs. Anonyme, le caricaturiste se dérobe et les
autorités peinent à cerner qui se cache derrière
l’emplumé des marécages. En 2009, c’est la
blogueuse Fatma Arabica qui est arrêtée. Prise
par les autorités pour –Z-, la jeune femme crée
alors une vague de soutien au sein de la toile et
les premières pancartes «Free Arabica» fusent
sur le Net. «J’ai alors compris qu’on voulait
surtout avertir la blogosphère qui osait critiquer
le régime. Nous étions quelques-uns à oser nous
exprimer, comme Lina Ben Mhenni ou Sofiene
Chourabi. Mon départ pour la France ne s’est
pas fait par peur du régime, c’est ma profession
qui m’a mené à la ville des lumières. Mais j’avoue
que cela me permettait de m’exprimer plus librement au moment où ça bouillonnait et que les
bouches étaient muselées.»
L’anonymat… même après la
révolution
L’anonymat, le jeune homme le garde même
après la révolution. Quand certains blogueurs
choisissent d’écrire «à visage découvert» et que
d’autres vont jusqu’à se mettre sous les projecteurs, -Z- continue de poster discrètement ses
dessins. Il y traite des gouvernements provisoires,
des élections, des remaniements ministériels ou
encore des fameux «Zaballah», mélange de
Zaba (Zine Abidine Ben Ali) et d’islamistes. Le
flamant rose explique son attachement à cet ano-
nymat: «Je reste méfiant par rapport aux ministères, aux gouvernements qui se succèdent. Alors
je continue de prendre mes précautions. Cela ne
m’empêche bien évidemment pas de collaborer
en tant que caricaturiste avec certains organes de
presse écrite, d’exposer mes dessins et d’alimenter
mon blog. Pour moi, -Z- est une signature et non
pas une personne. C’est ainsi que je peux également parler de religion sans limite ni autocensure. Je suppose qu’aujourd’hui, les autorités ont
de quoi “démasquer” mon identité. Seulement, je
ne suis pas leur cible et c’est tant mieux.»
La liberté d’expression jusqu’au
bout
Après la révolution, le jeune homme continue
de critiquer toutes les étapes de la transition démocratique. Tout y passe: l’ANC, les élections,
Amina Femen, la pénurie d’eau, les blessés de la
révolution, Myriem la fille violée par les policiers,
etc. Mais le blogueur se défend d’être un éternel
insatisfait: «Un caricaturiste a toujours sur qui
taper. Nous sommes loin d’avoir atteint la paix
sociale et rien que pour cela, il y a encore beaucoup à dire et à faire. En tant que flamant rose,
j’ai encore plein de sujets à discuter et débattre.
C’est un peu cela aussi la comédie humaine, tragique. Et je ne m’impose aucune censure.» La liberté d’expression n’a pas de limite pour le jeune
artiste. Solidaire avec Charlie, -Z- n’hésite pas
à le clamer: «Je reste un fervent défenseur de la
liberté d’expression. Pour avoir côtoyé Charb, je
peux assurer qu’il n’était pas islamophobe. D’ailleurs, le terme en lui-même me dérange. L’islamophobie peut être une vitrine pour cacher un
racisme latent. Et Charlie Hebdo ne l’était clairement pas. Par contre, et pour être précis, je suis
contre toute l’instrumentalisation qu’il y a eu
autour de cet évènement tragique, notamment la
marche contre le terrorisme à laquelle ont participé des dictateurs et des assassins.»
Les Zaballah cités, dessinés, critiqués, figurent
en premier plan. Heureusement, tout se passe
bien. «La majorité des visiteurs était composée
de Tunisiens de t