FdT aout 2015 | Page 41

Aïcha Gorgi - © Karim Mrad rebaptise galerie Gorgi, « car il est naturel qu’elle porte le nom de son fondateur » précise-t-elle. Galerie de femmes « Mon but à l’époque était de faire connaître et de donner une chance à une nouvelle génération d’artistes. J’ai mis en selle Feryel Lakhdhar, Rym Karoui, Meriem Bouderbala, Aïcha Filali… Si bien que nous avons gagné le label de galerie de femmes. Cela a été un défi intéressant et ma manière de marquer mon territoire. Une galerie, c’est vraiment le regard d’une personne. Ma priorité était l’art contemporain. Il fallait créer des collectionneurs pour pallier l’absence de mécénat public  » explique-t-elle. De fait, bon nombre de collectionneurs privés sont apparus sur la scène des arts plastiques tunisiens, des mécènes qui se caractérisent par leur discrétion et qui se cachent, alors qu’ailleurs dans le monde, ils affichent leur intérêt pour l’art et n’hésitent pas à faire connaître au grand public leurs coups de cœur. Une spécificité tunisienne qui reste bien mystérieuse. Depuis 2011, Aïcha Gorgi constate un foisonnement culturel. De plus en plus d’artistes émergent et elle souligne « le début d’un intérêt à l’international pour les artistes tunisiens. Nous sommes de plus en plus souvent contactés par des foires africaines et arabes. J’ai particulièrement noté l’intérêt de Dubaï Art Fair. Cela démontre qu’il y a désormais un marché qui permet à nos artistes d’être cotés à l’international.» A quand un musée d’art contemporain ? Chédly Klibi, l’un des premiers ministres de la Culture, avait créé un musée d’art moderne dans le palais néo-mauresque qui abritait le casino du Belvédère. Mais, suite à une décision effrayante et réductrice de la dictature, il est devenu en 1988, un an après l’arrivée au pouvoir de Ben Ali, le mess des officiers. Pour Aïcha Gorgi, comme pour de nombreux artistes, la création d’un musée d’art contemporain est une priorité absolue pour exposer toutes les œuvres acquises au fil du temps par le Ministère de la Culture. Des œuvres qui croupissent sans protection dans les locaux dudit ministère « alors qu’aucune œuvre n’est exposée dans les bureaux. C’est notre patrimoine et notre mémoire qui part en fumée  », souligne Aïcha Gorgi. Certains avancent que la place de ce musée devrait être dans la future Cité de la Culture. Mais Aïcha Gorgi s’insurge : «  Nous avons besoin d’un vrai musée et pas de cette cité qui va englober tout et rien. Cette Cité de la Culture est un éléphant blanc de l’ancien régime, un puits sans fond… » Aïcha Gorgi s’enflamme quand elle évoque ce que devrait être la politique culturelle dans le domaine des arts plastiques. Y compris sur Facebook où elle donne libre cours à son sens de l’humour aiguisé. Exemple : « La ministre de la Culture, c’est comme la femme de Colombo, on ne la voit jamais ! » Selon elle, le Ministère de la Culture devrait se limiter à l’organisation de grands évènements, de grandes rétrospectives et surtout créer une plateforme culturelle sur le net. Il devrait aussi songer à créer une Cité de l’Art, où les artistes de l’intérieur pourraient élire résidence pendant un an afin d’être en interaction avec des artistes déjà affirmés. Deuxième volet d’action  : la formation dans le marketing de l’art, de commissaires d’exposition, de commissaires-priseurs pour les ventes aux enchères, de journalistes culturels et le soutien aux artistes pour les aider à constituer leurs dossiers, leurs catalogues. Le ministère devrait aussi s’atteler à dépoussiérer la législation sur l’import-export des œuvres d’art. «  L’art doit voyager  » souligne Aïcha, « or, en Tunisie, quand tu fais venir un artiste, tu dois payer des taxes et quand tu vends à un collectionneur étranger aussi. Pour exporter les œuvres d’artistes tunisiens, le Ministère de la Culture doit donner son accord. J’ai eu un client étranger qui m’a acheté vingt œuvres, elles sont restées trois mois à la douane ! » Pour le moment et depuis toujours, l’aide principale du Ministère de la Culture aux plas ѥ