Peut-être Rousseau a-t-il raison de préférer la campagne à la ville et d’ en faire le lieu idéal de la vertu; peut-être aussi se rappelle-t-il Les Géorgiques de Virgile et ne perçoit-il la campagne qu’ à travers le filtre de ses lectures …
Et d’ ailleurs … existe-t-il seulement une campagne naturelle, originelle, vive? Ou, pour le dire autrement, n’ est-elle pas la nature dénaturée?
A moins que nous ne soyons dénaturés … Notre façon de regarder la campagne est sans doute à l’ image de notre façon ordinaire de voir la vie, à moins d’ être un poète ou un artiste. C’ est-àdire que nous ne la voyons que rarement dans le moment présent; on s’ y projette, dans le passé ou dans le futur. Le chemin de campagne serpente entre les temps … ou hors des temps … Impression étrange, comme la nostalgie d’ un lieu où l’ on n’ a pas vécu, que l’ on n’ a pas connu, rattaché à la tradition, travaillé par le devenir. Nostalgie du même ou de l’ autre?
La campagne est ma zone blanche, ma page encore vierge où tout peut s’ écrire. Et les mots qu’ on dit ou qu’ on écrit, n’ ont pas ou que peu de rapport avec la réalité, si on ne les habite pleinement. On pourra dire tout ce qu’ on voudra de la campagne, il faut l’ habiter, comme le langage.
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