de filoches frappant au vent. Adultes et enfants
peuvent passer une journée à les confectionner,
nouant la fine structure de bois blanc avec un
seul long fil, collant ensuite le papier et les motifs
colorés avec délicatesse. Ces joyeuses formes font
dans l’espace d’un court après-midi oublier les
brillants écrans des smartphones et autres joujoux
convoités du quotidien. Un cerf-volant sera fendu
sur toute sa longueur après être tombé à pic,
l’autre se sera encastré dans un arbre, un autre
encore disparu, sans doute emporté derrière les
maisons. Peu importe, ils auront volé.
Dans le fatras de matières qui jonche Port-auPrince, j’ai aussi vu des choses qui ne veulent pas
mourir, qui ne veulent plus être soumises au cycle
du déchet ou de la récupération. Parmi elles, une
multitude de figures de bois et de fer que l’on
peut croiser au détour de la Grand Rue et dans la
commune de Croix-des-Bouquets au Nord de la
capitale. D’innombrables objets s’intègrent dans
ces silhouettes, tout étant prétexte à travailler la
forme : restes de carcasses de voiture, morceaux
de pneus, tissus, récipients rouillés, fourchettes
et autres ustensiles de cuisine. Vous ne m’userez
pas davantage, disent-ils. De toute cette matière
inerte qui gisait dans la rue est née cette foule
insoumise, disparate, ces personnages incroyables
inspirés des saints, des esprits vaudou ou de figures
historiques du pays.
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