ETC. JOURNAL EDITIONS #3 | Page 18

Je suppose qu’ils ne croyaient pas tous à cette histoire. Mais un doute devait persister car personne ou presque ne se risquait à nager. Tous venaient entre amis ou en famille admirer le lieu sans s’y baigner. Petit à petit, je comprenais que toutes les choses ici étaient potentiellement habitées. Les objets, les bêtes, les corps. Rien n’était innocent. Mais personne n’était tout à fait libre non plus. La vigueur de ces histoires racontées leur conférait un pouvoir immense, celui de faire persister des habitudes, mais aussi de faire ciller un instant l’éclat des certitudes établies. Après tout, cette terre m’était étrangère, comment savoir de quoi l’ombre et l’invisible étaient peuplés ici-bas ? Dans ce pays, on ne bâtit pas pour des siècles non, mais on s’applique pour la grâce éphémère. À l’image du dimanche – jour saint où petits et grands revêtent costumes et robes éclatantes assortis de souliers impeccables – certains évènements de l’année font l’objet d’un soin et d’un dévouement particuliers. Pendant la période du Carême précédant la très attendue fête de Pâques, on peut encore voir dans les zones urbaines et parfois en campagne des cerfsvolants bariolés narguer le ciel, leurs queues 18 19