ETC. JOURNAL EDITIONS #3 | Page 14

La terre ici est l’animal le plus fort. On l’apprend lorsqu’elle exhale après une lourde averse son humide souffle mâle et chaud, son haleine parlant alors pour toute la vie du dessous. En quelques autres nuits de pluie, toutes les fleurs du mapou tomberont sur ce ventre fertile et brûlant. Quand ses larges feuilles viendront cacher complètement sa part de ciel, sa racine aura déjà fendu le trottoir. Comme si la terre, avec ses longs bras de pierres et de branches, tentait sans relâche de se frayer un espace entre les murs et les hommes. On se demande avec quelles griffes les petites maisons de parpaing s’agrippent aux dénivelés des versants, se superposant toujours plus en hauteur. Seule la fraîcheur des mornes aux alentours semble pouvoir contenir cette nature rebelle. Une végétation plus docile y est cultivée sur des petites parcelles vallonnées de terre orange : poireaux fins, petites carottes sucrées, choux et pommes de terres. Le long des chemins se bousculent quelques cabris. Il y règne un calme paisible, hors du temps. On croit voir par moment le tableau d’une Toscane tropicale, plus pentue, mais où les mêmes formes douces composent un paysage mesuré, déployé en plans successifs dans la brume. 14 15