La terre ici est l’animal le plus fort. On
l’apprend lorsqu’elle exhale après une
lourde averse son humide souffle mâle
et chaud, son haleine parlant alors pour
toute la vie du dessous. En quelques autres
nuits de pluie, toutes les fleurs du mapou
tomberont sur ce ventre fertile et brûlant.
Quand ses larges feuilles viendront cacher
complètement sa part de ciel, sa racine
aura déjà fendu le trottoir. Comme si la
terre, avec ses longs bras de pierres et de
branches, tentait sans relâche de se frayer
un espace entre les murs et les hommes.
On se demande avec quelles griffes les
petites maisons de parpaing s’agrippent
aux dénivelés des versants, se superposant
toujours plus en hauteur. Seule la fraîcheur
des mornes aux alentours semble pouvoir
contenir cette nature rebelle. Une
végétation plus docile y est cultivée sur
des petites parcelles vallonnées de terre
orange : poireaux fins, petites carottes
sucrées, choux et pommes de terres. Le
long des chemins se bousculent quelques
cabris. Il y règne un calme paisible, hors
du temps. On croit voir par moment le
tableau d’une Toscane tropicale, plus
pentue, mais où les mêmes formes douces
composent un paysage mesuré, déployé
en plans successifs dans la brume.
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