TEXTE
Marie LEMPERIÈRE
neutrinos. Quels que soient les mots qu’on dise pour désigner
le lien - les mots comme des fils d’ailleurs, le texte comme
tissage et texture -, ils restent en deçà de la réalité du lien : cette
« sève » de l’univers, la force d’attraction universelle entre les
particules élémentaires, que nous pourrions appeler Amour.
Par le langage et la pensée, nous donnons un sens et nous
perdons l’essence. Nos mots et les représentations qui
leur correspondent dans la psyché “arrêtent sur image” et
momifient ce qui dans la réalité est un courant continu. Ainsi
nous donnons des noms à ce que nous percevons et nous
confondons l’être et l’apparence. Comme nous désignons
communément par le mot « amour » les apparences de
l’amour. Et pourtant… Ce mot, bien mal compris parfois,
revêt exactement la réalité du lien. Car dès que la carapace
des humains se lézarde, qu’ils sortent de leur camp retranché,
ce qui s’en échappe est l’amour, justement. De même que la
peinture d’un tableau qui se craquelle révèle la réalité de la toile.
Et pour mieux dire, le tableau comme métaphore de l’univers
s’impose. Là encore un liant est indispensable : il permet aux
pigments de se fixer sur le support et d’y prendre une valeur
nouvelle. Quand nous regardons un tableau, nous voyons des
formes, des couleurs, des arbres, des ciels … mais nous ne
sommes pas dupes ; il ne s’agit que d’une peinture. Et parfois
si l’on s’en approche assez, nous voyons sur la toile la matière
appliquée par touches plus ou moins épaisses. Et même dans
le cas d’un trompe-l’œil particulièrement réussi, nous ne nous
laissons pas prendre au piège de l’artifice pictural. Lucidité un
peu arrogante à bien y regarder car nous restons prisonniers
du trompe-l’œil vis-à-vis du monde qui nous entoure.
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