Edition spéciale septembre 2015 canton de Genève | Page 5

5 Politique européenne : les dés pipés du Conseil fédéral Les objectifs de la politique extérieure de la Suisse sont définis à l᾿article 2 de la Constitution fédérale : « La Confédération suisse protège la liberté et les droits du peuple et elle assure l᾿indépendance et la sécurité du pays. » Le peuple et ses représentants au Conseil national et au Conseil des Etats sont censés contrôler que la politique extérieure du Conseil fédéral obéisse à ce principe. Yves Nidegger, conseiller national, Genève (GE) Qu᾿en est-il en réalité des objectifs de politique extérieure que poursuit la Berne fédérale ? Le Conseil fédéral et les chambres œuvrent-ils vraiment pour l᾿indépendance du pays, la sauvegarde des droits démocratiques et la préservation de la neutralité ? La réponse est non. La gauche milite ouvertement pour l’adhésion de la Suisse à l’UE. Le Conseil fédéral et les autres partis, sauf l’UDC, le font plus sournoisement. En ce moment même, le Conseil fédéral œuvre d’arrache-pied pour abolir la voie bilatérale, qui règle les rapports entre la Suisse et l’UE depuis le rejet de l’EEE par le peuple en 1992, au profit d’un futur accord-cadre multilatéral à conclure, dit d’intégration institutionnelle, obligeant la Suisse à reprendre automatiquement les évolutions du droit de l’UE sous le contrôle juridictionnel de la Cour européenne de justice. L’histoire a donné un nom à ce genre d’accord : traité colonial ; un acte par lequel le droit d’une puissance dominante s’applique sur le territoire d’un Etat dominé, lequel en perd bien évidemment sa souveraineté. Cette volonté d’adhésion qui n’ose pas dire son nom explique l’entêtement du Conseil fédéral à refuser de retirer la demande d’adhésion que la Suisse avait déposé avant le vote sur l’EEE en 1992 et la présentation de l’adhésion à l’UE comme « objectif stratégique » de sa politique extérieure. Colis piégé L᾿UDC n’entre en matière sur des accords avec l᾿UE que s’ils sont conformes aux intérêts de la Suisse et, bien évidemment, sans une reprise « dynamique » ou « automatique » des évolutions du droit de l᾿UE qui torpillerait la souveraineté du pays. Plutôt que de se laisser hypnotiser par une UE qui s᾿enfonce dans la crise, la Suisse gagnerait à voir plus grand et plus loin en s’engageant plus largement qu’elle ne le fait aujourd’hui sur des marchés porteurs, là où la croissance est annoncée, ce qui n’est pas le cas de l’Europe. Au lieu de cela, le conseiller fédéral Didier Burkhalter nous annonce à la fin du mois de juin dernier, à la suite d’une discussion de politique européenne, la décision du Conseil fédéral de présenter un « paquet » ne comprenant – en guise de mise en œuvre du 9 février – que de légères et ponctuelles adaptations de la libre circulation et en contrepartie un accord-cadre de soumission institutionnelle de la Suisse à l᾿UE. On est à des années lumières du mandat constitutionnel. Le « paquet » proposé n’est rien d’autre qu’un colis piégé. Une adhésion qui n’ose pas dire son nom Un rattachement institutionnel à l᾿UE correspond à une exigence de Bru- Les combines de bas étage du Conseil fédéral : le projet d’accord-cadre avec l’UE prévoit en effet la reprise « dynamique » de droit UE et, en cas de divergences d’interprétation et de litiges, la subordination de la Suisse aux juges étrangers de la Cour de justice UE. xelles, qui cherche à étendre son pouvoir sur tout le continent, mais en aucun cas aux intérêts bien compris de la Suisse. Dans leur majorité, les citoyens suisses ne veulent pas d’une reprise « dynamique » de droit UE, ni d’une soumission aux décisions des juges étrangers de la Cour européenne de justice. Ils savent qu’un tel traité ferait de la Suisse un Etat satellite de l᾿UE et conduirait fatalement à l᾿adhésion. Ils ne veulent pas renoncer à la Suisse. Le Conseil fédéral le sait, raison pour laquelle il manœuvre sournoisement. La Suisse a besoin d’une UDC forte, seule capable de tout mettre en œuvre pour que le Conseil fédéral ne parvienne pas à cette adhésion qui n’ose pas dire son nom. La décision du Conseil fédéral de ne pas révéler son jeu avant les élections fédérales du 18 octobre prochain relève d’une tactique électorale indigne car contraire aux intérêts du pays. L᾿UDC invite le Conseil fédéral à jouer cartes sur table en informant dans les plus brefs délais les citoyennes et les citoyens, ainsi que le parlement, de ses réelles intentions en politique européenne. Sans manœuvres sournoises ni agenda caché. L’accord-cadre est extrêmement dangereux pour l’économie suisse L᾿accord-cadre visé par le Conseil fédéral en vue du rattachement aux institutions de l᾿UE comporte des risques énormes pour notre économie. La reprise dynamique de droit UE et l᾿acceptation de la Cour de justice UE comme instance judiciaire suprême dans l᾿interprétation de ce droit exposeraient la Suisse à un flot de régulations d᾿inspiration socialiste émanant de Bruxelles. Conséquence : l᾿économie suisse serait attachée par des interventions étatiques et des mesures bureaucratiques hostiles à l᾿économie d᾿une ampleur inimaginable. nomie suisse serait exposée sans protection aucune à la manie régulatrice de l᾿UE. Jean-François Rime, conseiller national et président de l᾿Union suisse des arts et métiers, Bulle (FR) La nouvelle législation concernant les denrées alimentaires indique fort bien la direction que prend aujourd’hui déjà cette reprise dynamique de droit UE. Ce développement s᾿accélérera et touchera finalement tous les autres domaines importants de la politique économique. La nouvelle loi sur les denrées alimentaires déclenche en effet une vague de régulation avec 29 ordonnances. Elle exige la création de 9 postes administratifs supplémentaires et des investissements par millions dans l᾿informatique au seul niveau fédéral. Nous pouvons encore empêcher le pire et apporter des corrections au système. Mais avec la