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Des ordres de plus en plus absurdes!
Jusqu’ici, vous avez pu décider librement à chaque votation. Vous avez eu le droit d’être pour ou
contre l’initiative anti-minarets? Vous avez pu dire oui ou non au renvoi des criminels étrangers.
Vous avez pu vous dire favorable ou pas à l’internement à vie des criminels sexuels dangereux
sans thérapie efficace. C’est votre droit. Mais pour combien de temps encore?
tantes qui nous concernent nous est
contesté d’en haut.
Yves Nidegger, conseiller national, Genève (GE)
Sur chaque objet soumis au vote des
citoyens, il existe des arguments pour
et des arguments contre. Chacun a le
droit d’exprimer son point de vue quel
qu’il soit. Mais des arguments contre
le fait de voter, en démocratie, il n’y en
a pas. Et pourtant, le droit à la démocratie directe, qui fait l’identité et la
prospérité de la Suisse, est aujourd’hui
en danger. Notre droit de décider
nous-mêmes des questions impor-
La démocratie directe comme
frein aux dérives
C’est de nous citoyens et citoyennes
qu’émanent les pouvoirs de l’État. Le
droit à des votations populaires nous
permet de faire entendre notre voix et
d’aborder les questions qui comptent
avec plus de nuances: les sujets soumis
à votations populaires font l’objet de
discussions à large échelle, parfois tendues, mais qui ont le mérite d’éclairer
le sujet. Les votations populaires ont
aussi le mérite de mettre au jour les divergences d’opinions entre les politiciens et leurs électeurs. Il n’est pas rare
que les citoyens prennent des décisions différentes désavouant ceux
qu’ils ont chargé de les représenter au
Parlement. Et en cas de divergence
entre les politiques et ceux qui les
élisent, il est sain que ce soit le peuple
qui ait le dernier mot.
Immixtions impensables
de la CEDH
Instituée au départ pour préserver et
étendre la démocratie dans une Europe qui ne la connaissait guère (la
Grèce, le Portugal et l’Espagne étaient
encore des dictatures militaires, toute
l’Europe centrale et Orientale des dictatures socialistes), la Cour européenne des droits de l’homme en est
arrivé, par de curieuses évolutions
jurisprudentielles, à se retourner
contre la démocratie directe en
Suisse ! Les arrêts de la Cour sont allés
de plus en plus loin, entamant la souveraineté populaire de la Suisse en
statuant d’autorité dans des domaines
qui n’étaient pas prévus du tout au
moment de la signature. Les critiques
sont nombreuses et pas seulement en
Suisse : Angela Merkel et David Cameron ont attaqué de façon virulente
les juges de la CEDH pour s’être donnés à eux-mêmes des compétences
exorbitantes. Si certains arrêts restent
corrects, la Cour a récemment
condamné la norme antiraciste suisse
que l’UDC a toujours qualifiée de «loi
muselière», de nombreux autres arrêts atterrissent à mille lieues de tout
bon sens. Certains sont commentés
ci-dessous.
Arrêts choquants de la Cour européenne
des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg :
Politique d’asile sapée ( Tarakhel v. Switzerland, 29217 / 12 )
La CEDH a statué le 14 novembre 2014 dans l’affaire T. que la Suisse n’avait pas le droit de renvoyer une famille
afghane en Italie (du moins pas tant que l’Italie n’aurait pas donné à la Suisse des garanties que la famille serait hébergée dans de bonnes conditions en Italie), alors même que la famille avait déposé sa première demande d’asile en Italie
et que l’Accord de Dublin prévoit précisément un tel renvoi dans le pays de premier asile. La décision a été rendue par
la Grande Chambre à 17 juges.
Criminels protégés contre le renvoi (Udeh c. Suisse, 12020 / 09)
Dans un arrêt du 16 avril 2013, la CEDH a dérivé du droit à la protection de la vie familiale (art. 8 CEDH) que la condamnation à une peine privative de liberté de plusieurs années et une dépendance des services sociaux ne constituaient pas
un motif suffisant pour renvoyer un étranger ainsi séparé de ses enfants.
En 2001, le Nigérian est entré en Suisse sous une fausse identité et y a déposé une demande d’asile, refusée. Il a ensuite quitté la Suisse. En 2003, il est à nouveau entré sur le territoire, avec l’intention d’épouser une citoyenne suisse.
Le couple a eu des jumeaux. Trois ans plus tard, U. a été arrêté en Allemagne, alors qu’il tentait d’importer de la cocaïne,
et condamné à 42 mois de prison. Après avoir purgé sa peine, U. est revenu en Suisse auprès de sa famille. Le couple
a divorcé. U. est resté en Suisse et a eu un troisième enfant en 2012. Sa nouvelle partenaire est Suissesse. Le Tribunal
fédéral a refusé en 2009 l’octroi d’un permis d’établissement, compte tenu du comportement délinquant d’U. et de sa
dépendance de l’aide sociale. Le 16 avril 2013, les juges de Strasbourg ont tranché par 5 voix contre 2 en faveur d’U.
La Suisse a demandé à la Cour européenne un nouvel examen par sa Grande Chambre. Cette dernière a cependant
refusé de statuer. L’arrêt est donc définitif. Les autorités suisses doivent payer 9’000 euros de dépens au demandeur.
Prise en charge des frais de changement de sexe ( affaire Schlumpf c. Suisse, 29002 / 06)
De l’avis de la CEDH, les droits de l’homme incluent le droit de se faire payer un changement de sexe par l’assurance
de base obligatoire en Suisse (arrêt CEDH du 8 janvier 2009 ; violation de l’art. 8 CEDH, tranché à 5 voix contre 2).
Un trafiquant de drogue peut rester en Suisse ( ATF 139 I 16 ss )
X. (né en 1987) est originaire de Macédoine. Il est entré en Suisse en novembre 1994 dans le cadre d’un regroupement
familial et il a obtenu par la suite un permis d’établissement. En juin 2010, il a été condamné à 18 mois d’emprisonnement avec sursis pour violation qualifiée de la loi sur les stupéfiants. Le tribunal a retenu que l’homme avait, sans se
trouver en situation de détresse, participé à un trafic de stupéfiants organisé, et en particulier à un projet de distribution
d’un kilo d’héroïne. L’Office des migrations du canton de Thurgovie a retiré le permis d’établissement de X. et prononcé
son renvoi. X. a recouru sans succès au niveau cantonal. Le Tribunal fédéral, influencé par la jurisprudence de la CEDH,
a toutefois admis le recours en matière de droit public le 12 octobre 2012 et annulé la décision du Tribunal cantonal
thurgovien du 14 septembre 2011, avec pour résultat que X. peut rester en Suisse.
Le Tribunal fédéral n’a tenu aucun compte du fait que le peuple suisse avait accepté l’initiative sur le renvoi le 28 novembre 2010.
Impact et conséquences de ces arrêts
• La Constitution fédérale ne peut être appliquée et interprétée que dans les limites imposées par le droit international.
• Le droit international, même non impératif, passe avant la Constitution fédérale et les lois fédérales.
Même le Tribunal fédéral a cédé la souveraineté juridique de la Suisse et transféré la responsabilité de l’ordre juridique
suisse au droit international et aux tribunaux internationaux. Cette évolution porte une atteinte massive à l’exercice de la
démocratie directe.
Les droits de l’homme, élément
central de la Constitution suisse
La Suisse garantit déjà depuis longtemps dans sa Constitution les
droits de l’homme et les droits fondamentaux. L’initiative pour
l’autodétermination n’a rien d’une attaque contre ceux-ci, au
contraire. Le but de l’initiative pour l’autodétermination est de les
protéger contre les juges suisses qui, contrairement aux juges de
Strasbourg et du Luxemburg, sont familiers de la situation suisse
et connaissent la valeur de notre ordre juridique démocratique.
On oublie vite que tous les droits de
l’homme ancrés dans le droit international sont consacrés par la Constitution suisse sous la dénomination
«droits fondamentaux» et qu’une partie d’entre eux est complétée dans les
constitutions cantonales. La Convention pour la protection des droits de
l’homme et des libertés fondamentales
(CEDH), conclue le 4 novembre 1950,
et entrée en vigueur pour la Suisse le
28 novembre 1974, contient un catalogue de droits de l’homme et libertés
fondamentales pouvant être invoqués
par la Cour européenne des droits de
l’homme à Strasbourg (CEDH), mais
qui, s’agissant de leur contenu, ne vont
pas plus loin que les droits fondamentaux de notre Constitution suisse,
comme l’illustre le tableau suivant:
Dans la nouvelle Constitution
fédérale du 18 avril 1999,
tous les droits fondamentaux
sont énoncés expressément
aux articles 7 – 34 :
Art. 7:
Art. 8:
Art. 9:
Dignité humaine
Egalité
Protection contre l’arbitraire et
protection de la bonne foi
Art. 10: Droit à la vie et liberté personnelle
Art. 11: Protection des enfants et des jeunes
Art. 12: Droit d’obtenir de l’aide dans des
situations de détresse
Art. 13: Protection de la sphère privée
Art. 14: Droit au mariage et à la famille
Art. 15: Liberté de conscience et de croyance
Art. 16: Libertés d’opinion et d’information
Art. 17: Liberté des médias
Art. 18: Liberté de la langue
Art. 19: Droit à un enseignement de base
Art. 20: Liberté de la science
Art. 21: Liberté de l’art
Art. 22: Liberté de réunion
Art. 23: Liberté d’association
Art. 24: Liberté d’établissement
Art. 25: Protection contre l’expulsion,
l’extradition et le refoulement
Art. 26: Garantie de la propriété
Art. 27: Liberté économique
Art. 28: Liberté syndicale
Art. 29: Garanties générales de procédure
Art. 29a: Garantie de l’accès au juge
Art. 30: Garanties de procédure judiciaire
Art. 31: Privation de liberté
Art. 32: Procédure pénale
Art. 33: Droit de pétition
Art. 34: Droits politiques
L’initiative pour l’autodétermination renforce les droits
de l’homme
La Suisse garantit les droits de l’homme
indépendamment de l’adhésion à la
CEDH, mais aussi aux traités des Nations-Unies (en particulier les Pactes I
et II de l’ONU). Elle va même plus loin
s’agissant du contenu. L’initiative pour
l’autodétermination s’engage en faveur
du respect des droits de l’homme et a
confiance dans le fait que le système
juridique suisse les respecte. On peine
à percevoir pourquoi des juges étrangers protégeraient mieux les droits de
l’homme que nos juges suprêmes.
L’initiative pour l’autodétermination
doit donc être comprise comme une
preuve de confiance en notre système
juridique.
Politisation outrancière des
droits de l’homme
On ne saurait oublier dans ce contexte
que les droits de l’homme et les droits
fondamentaux peuvent être restreints.
Tant la CEDH que notre Constitution
fédérale le précise. En effet, même
dans le domaine des droits de l’homme
et des droits fondamentaux, il n’y a pas
de droits sans devoirs. Chaque droit
de l’homme ou droit fondamental est
contrebalancé par des intérêts légitimes d’autres personnes ou de la société. Les victimes d’actes de violences
ont ainsi elles aussi des droits fondamentaux, les auteurs ne sont pas les
seuls à pouvoir s’en prévaloir. Certes,
une expulsion du territoire peut porter
atteinte au droit d’un délinquant à sa
vie privée et familiale, mais la victime
et la société ont aussi un droit fondamental au respect de l’intégrité physique et à une protection contre des
actes délictueux futurs de l’auteur.
Malheureusement, la protection des
victimes et la sécurité de la population
passent toujours plus souvent au second plan dans le débat sur les droits
Droits de l’homme et libertés
fondamentales selon la CEDH :
Art. 2: Droit à la vie
Art. 3: Interdiction de la torture
Art. 4: Interdiction de l’esclavage et du
travail forcé
Art. 5: Droit à la liberté et à la sûreté
Art. 6: Droit à un procès équitable
Art. 7: Pas de peine sans loi
Art. 8: Droit au respect de la vie privée
et familiale
Art. 9: Liberté de pensée, de conscience et
de religion
Art. 10: Liberté d’expression
Art. 11: Liberté de réunion et d’association
Art. 12: Droit au mariage
Art. 13: Droit à un recours effectif
Art. 14: Interdiction de discrimination
fondamentaux. Il existe par exemple
un droit à la liberté de religion, mais
une religion peut être inconciliable
avec nos valeurs et notre ordre juridique, qu’en est-il alors des droits de
l’homme des autres personnes? Il existe
à certaines conditions un droit fondamental à l’aide sociale. Mais qu’en est-il
alors des droits des personnes qui, malgré les difficultés, se débrouillent ellesmêmes et qui doivent supporter par
leurs impôts le poids financier de l’aide
sociale? Ce sont là des questions délicates. Elles montrent que, même dans
le domaine des droits de l’homme, on
touche à des questions politiques, lesquelles doivent être tranchées par le
Parlement, le peuple et les cantons, et
non par un petit groupe de fonctionnaires, experts et juges étrangers, qui
n’ont pas été élus démocratiquement et
qui ne sont soumis à aucun contrôle ni
n’assument aucune responsabilité.
Cour européenne
des droits
de l’homme