Echo de Gier n°81 | Page 7

Écho de Gier n ° 81 – Automne 2016

Portrait

AUGUSTA BOISSY DITE PAYETTE
Difficile de passer devant la maison Boissy sans éprouver de nostalgie … Bruit des conversations, grands éclats de rire et la voix de Payette qui apostrophait l’ un ou l’ autre … L’ auberge de Cliou était au cœur du village et Augusta Boissy n’ avait pas son pareil pour mettre tout le monde à l’ aise et chacun à sa place. La verve de la maitresse des lieux, son franc parlé, son amour de la vie en faisaient un personnage incontournable. « On a pas vu Ventdunord aujourd’ hui … » « Ventdunord? » « Ah oui, c’ est moi qui l’ appelle comme ça, il est hollandais et il a un nom à coucher dehors … » Voici des extraits de ce que raconte Payette, enregistrée par sa petite fille Erika: « Mon père a toujours été paysan. Il avait acheté une ferme à Loret: Il employait un berger pour le troupeau et un domestique pour les travaux des champs. Il avait acheté, je m’ en souviens très bien, une belle « jardinière » avec des sièges en cuir, des roues rouges et des lanternes. Il allait au marché vendre ses produits. Et il vendait du bois à tous les boulangers de Loriol … Moi, je suis allée à l’ école jusqu’ à 13 ans. Après, j’ ai travaillé dans une filature jusqu’ à 21 ans: à cette époque, à Loriol, il y avait partout des moulinages et des filatures … A 21 ans, je me suis placée. Je m’ occupais des enfants d’ un couple de Parisiens. Ce changement que ça m’ a fait! J’ ai acheté le fond d’ épicerie à Madame Demas en 1941. On me disait: « Pourquoi ne pas ouvrir un café? » Je l’ ai ouvert le 1er janvier 1944. Plus tard( en 1965) on m’ a dit: « C’ est pas le tout, mais maintenant, il y a bien des gens de passage … il faudrait que vous ayez des chambres … ». Alors, j’ ai fait des chambres et après, il fallait les faire manger, les gens. J’ ai fait le restaurant jusqu’ en 1975. Il y a eu l’ occupation et puis la débâcle … Comme tout le monde était à la guerre ou prisonnier, les gens à la campagne avaient besoin de main d’ œuvre. On avait fait venir des prisonniers allemands et il fallait s’ inscrire à la mairie( si on voulait les employer)… Tous ces gens-là venaient passer tous les dimanches après-midi chez moi. J’ ai été obligée de m’ agrandir! Le climat ici était très sympathique … Il y avait des clients qui me disaient: « y’ a que chez vous qu’ on voit ça … » Je reconnaissais tout le monde. Le dimanche matin, on me téléphonait et des familles entières, pas du tout la même société, venaient à 14, 15,18 … Ils n’ avaient pas fini de manger que les joueurs de belotte arrivaient et il fallait que Chantal, Annie et puis Josette aussi, débarrassent vite les tables. Il y avait 4 ou 5 tables de belote qui jouaient toujours là. Monsieur de Saint Prix( préfet de la Libération) me disait: Vous vous rendez compte, toute cette société bigarrée chez vous! »… Les gens qui venaient manger trouvaient ça drôle, formidable, ce mélange de société et personne ne faisait de bruit parce que je n’ acceptais pas qu’ on parle mal. Toutes les tables étaient prises et des dimanches, j’ ai refusé jusqu’ à 25 personnes à manger! On mangeait bien, pas recherché, c’ était l’ après-guerre, mais je tâchais moyen de faire de bons repas! Il y avait les boules aussi … Aux boules, il fallait porter le goûter. A 16h, 16h30, ils s’ arrêtaient pour casser la croûte et boire un coup. C’ était mon mari qui s’ en occupait. Pour l’ ouverture de la chasse( chasse « à la Pagnol » dixit Bruno Boissy) les chasseurs s’ arrêtaient tous ici … Souvent, on avait fini la vaisselle à 16h ou 17h et à 18h, il fallait commencer à mettre le couvert pour le soir. Pendant les vacances de Noël, je faisais un grand goûter et j’ invitais tous les enfants. Une fois, ils étaient 35! Je les faisais chanter, je les amusais. Madame Vinson, Madame Jouve m’ aidaient... Je vendais des glaces le jeudi... Tous les gamins venaient! J’ ai beaucoup travaillé, mais je garde des souvenirs inoubliables: il y avait des gens vraiment intéressants en ce temps-là: Le père Juston, le père Jouve, Pépé Fanton, y en a plus des comme ça … Marcel Jouve, qui racontait des histoires des gens du pays, le père Duc qui dansait la valse, et mon mari qui faisait danser
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