Colloque Julius Koma COLLOQUE corrigé le 4 juin 2017 | Page 97

Voyons à présent si certaines institutions subventionnées conservent des ossements classés . En fait , la réponse est encore oui . Mais il ne s ’ agit dans ce cas que de reliques ; or , pour rappel , ce sont les reliquaires qui sont classés , pour leur orfèvrerie , pas les reliques stricto sensu . Il en va ainsi de la châsse de saint Eleuthère de Tournai , classée dans la catégorie « Sculpture , Beaux-arts – Orfèvrerie ». Classée il y a trois ans , cette châsse contiendrait les reliques du premier évêque de Tournai , déposé en 1247 . Elle est conservée au Trésor de la cathédrale Notre-Dame de Tournai , institution muséale reconnue depuis le 1 er janvier 2014 . La « pièce majeure » qui bénéficie d ’ un classement , c ’ est bien sûr le trésor d ’ Oignies , dont trente-deux pièces – parmi lesquelles vingt reliquaires – sont aujourd ’ hui conservées et exposées au Musée provincial des Arts anciens de Namur-TreM . a . ( Namur ). ( Notons que qui dit « reliquaire » ne dit pas « reliques humaines », puisque les reliques peuvent être des objets , voire des morceaux de bois ( Sainte-Croix ) ou de calcaire (« lait de la Vierge »).) Parmi les reliquaires contenant des ossements ou des fragments osseux , mentionnons le reliquaire de la côte de saint Pierre : une bande de parchemin conservée dans le petit cylindre atteste que les reliques y ont été déposées en 1238 . Ajoutons encore les pieds-reliquaires des saints Blaise et Jacques le Majeur ; celui de saint Blaise contient un osselet conservé dans une petite cavité protégée par un éclat de cristal de roche . Citons également le grand reliquaire tourelle de saint Nicolas qui présente en son centre deux tubes en cristal de roche contenant des fragments d ’ os , dont on peut dire qu ’ ils sont humains , mais non affirmer qu ’ ils appartenaient à saint Nicolas . Pour revenir au décret sur la reconnaissance et le subventionnement des musées et autres institutions muséales du 17 juillet 2002 , seules quelques mentions pourraient avoir un lien avec la problématique qui nous occupe ici . Le décret reprend la définition du musée telle que formulée par l ’ ICOM , le Conseil International des Musées , laquelle mentionne qu ’ un musée traite notamment et surtout des témoins matériels et immatériels de l ’ homme – donc , fatalement , les ossements , qui font partie des témoins matériels de l ’ homme . Un musée peut donc conserver des restes humains . Une autre donnée intéressante émanant du décret est que les biens qui sont conservés dans ou les discours qui sont tenus par l ’ institution ne peuvent évidemment ni nier , ni réduire les droits d ’ un peuple , d ’ une personne ou d ’ un groupe de personnes . ( Je me dois par exemple de mentionner le cas d ’ un musée qui exposait un crâne de pygmée ; j ’ ai demandé qu ’ il soit ôté de la vitrine car il s ’ y trouvait sans aucune contextualisation , sans raison d ’ y être . Ce crâne a donc été mis en réserve .) Un autre article du décret précise que les collections – en ce compris les ossements , donc – doivent présenter un intérêt scientifique et culturel ; j ’ estime qu ’ il n ’ y a pas de problème en la matière lorsqu ’ il est question de restes humains . La conclusion de cette rapide analyse est que le décret de reconnaissance et de subventionnement des musées ne limite en aucune manière la conservation et encore moins l ’ exposition de restes humains . Quant à l ’ arrêté du 22 décembre 2006 , il renvoie au décret relatif au classement des biens culturels et , par-là , recommande , voire contraint , les musées à posséder des biens dignes de classement , lesquels pourraient très bien compter des restes humains potentiellement classables . Tout tient en réalité aux définitions que l ’ on attribue aux termes que l ’ on utilise . D ’ un point de vue légal , si l ’ on se réfère aux textes disponibles en matière de reconnaissance muséale , on ne peut reprocher à un musée de conserver et d ’ exposer des restes humains , ni l ’ en empêcher , quelles que soient finalement l ’ origine et la nature de ces restes humains . Ceci pour autant que le discours accompagnant les pièces n ’ aille pas à l ’ encontre du respect des droits d ’ un peuple , d ’ un individu , etc . Je rappelle que le décret relatif au classement permet de classer notamment des restes humains , qu ’ ils soient objets archéologiques , qu ’ ils soient intégrés dans des œuvres d ’ art , qu ’ il s ’ agisse de spécimens anatomiques ou d ’ ensembles d ’ intérêt paléontologique , par exemple .
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