Colloque Julius Koma COLLOQUE corrigé le 4 juin 2017 | Page 72

Paul Delaisse : Le travail qui nous était proposé est basé sur le droit qu’aurait chacun d’entre nous à une sépulture. Un endroit où se construit la mémoire et l’Histoire. De là, vient le culte des morts. Ce besoin de sépulture est lié au désir de faire son deuil à l’aide d’un souvenir, d’une photo et pourquoi pas, un livre de son père comme celui-ci. Dans notre société judéo – chrétienne, l’endroit est souvent symbolisé par une pierre. La pierre fait partie de notre culture. Elle permet de retrouver et de protéger le corps. Julius Koch est atypique parce qu’il est trop grand. Il n’a pas de tombe. Même mort, il est resté un objet de foire. Une chose à exhiber. Les restes du géant Constantin reposent actuellement dans une boîte. Peut-on considérer que cette boîte est sa tombe ? Il a donc été décidé d’ériger un cénotaphe. Un cénotaphe, c’est un monument funéraire qui ne contient pas de corps. Il est élevé à la mémoire d’une personne ou d’un groupe de personnes. Les cénotaphes existent depuis l’antiquité comme les mausolées. Ils ont pour vocation de garder la mémoire d’une personne dont le corps est absent parce qu’il n’a pas été retrouvé, identifié ou alors qu’il est inhumé en un autre lieu. Ou dans le cas présent parce qu’il ne rentre pas dans les standards de l’inhumation habituelle. Je vais vous citer quelques cénotaphes célèbres, pour coller un petit peu à l’actualité comme le White Hall à Londres, une énorme pierre, du gabarit d’un bâtiment au milieu d’une rue. C’est un cénotaphe érigé à la mémoire des soldats Anglais morts en 14 -18. Ensuite celui de Dante à la Basilique Santa Croce à Florence alors qu’il est lui-même enterré à Ravenne. Vous avez aussi plus simplement les cénotaphes de marins perdus en mer. Pour eux, on érige une tombe permettant ainsi de « faire semblant » que le corps est là. Le souvenir se perpétue généralement sur trois, quatre générations C’’est la distance - temps dont on peut se souvenir d’un défunt. Le projet était donc d’ériger un cénotaphe pour inscrire dans l’histoire Julius Koch. Il a un corps atypique, il lui faut donc un cénotaphe atypique. Les références font toujours état d’un corps idéalisé. Ici nous avons un corps hors normes. Hors limites pour un architecte. En tant qu’architecte, quelles sont mes références ? Par exemple, ici le Matila Ghyka. C’est une recherche de synthèse entre les mathématiques et la poésie. Il travaille sur le nombre d’or depuis 1932. Nous avons aussi le professeur Neufert qui avant la deuxième guerre mondiale également a étudié le corps humain, qu’il « normalise ». Ses dimensions servent à établir des codes, des mesures dans lesquelles l’humain se déplace. En toute situation. Vous voyez ici que des mensurations qui sont répertoriées au niveau du gabarit d’un être, je dirai standard, normal, avec toutes ses proportions. Julius Koch lui a 2 mètres cinquante-huit, hors proportions. Il s’agit donc d’établir un code pour une architecture fonctionnelle hors Neufert. Sans tenir compte de ce livre dont j’ai hérité de mon père, un Neufert de 1943. Vous voyez, le niveau des yeux est bien mis en évidence, vous y voyez avec des gabarits, le dimensionnement d’un homme tel qu’il se tient debout, comment, il s’assied, comment il se couche… Le Neufert est donc un ouvrage pratique aidant à la conception architecturale. Le Neufert dimensionne absolument tout. 72