3 Renzi Eugenio, Thirion Antoine, Entretien avec
Jean-Pierre Rehm, Independancia, 2011 bien étrange qu’ être confronté à cette sorte de collusioncollision dont je parlais dans mon introduction. Habituellement le champ de la fiction est un moyen de mise à distance de la réalité. Si les deux champs se rencontrent cette mise à distance devient impossible ce qui peut-être déstabilisant surtout lorsque l’ on parle de choses aussi réelles que la mise à mort d’ un être humain. Pour Jean-Pierre Rehm, critique d’ art et directeur du FID( Festival international du documentaire), la véritable opposition entre fiction et documentaire c’ est la question de l’ acteur 3. L’ acteur selon Brecht, Aristote et Rousseau est lié à la question de la représentation car lié par contrat administratif alors que le documentaire est une usine à corps qui n’ est soumis à aucun contrat. La marque du documentaire serait qu ' il donne à voir des « hommes ordinaires » selon l ' expression de Jean-Louis Schefer, c ' est à dire des personnages qui n ' ont pas besoin de nous faire croire de leur existence puisque l ' on sait qu ' ils existent. Or The Act of Killing met en scène des personnages qui se prennent pour des acteurs mais qui n’ ont pas besoin de nous faire croire à leur existence puisqu’ ils jouent leur propre rôle. Ils se trouvent autant du côté de la représentation que du côté des « hommes ordinaires ». C’ est précisément cette nature paradoxale d’ une rencontre antinomique que je souhaite questionner et qui est également la question principale de mon travail plastique.
Il y a deux utilisations de structure narrative dans The Act of Killing: d’ une part celle qu’ en font les bourreaux, d’ autre part celle qu’ en fait Joshua Oppenheimer. Elles s’ opposent au sein même du film. L’ une est utilisée comme un masque pour ne pas voir, une façon de tenir le réel à distance en se racontant des histoires justement. La seconde joue ce rôle de pont, pour au contraire donner à voir, démasquer ce qui ne se laisse pas voir. La première stratégie, est le tournage en studio d’ un film de propagande commandé par l’ Etat, fiction rejouée pour justifier le massacre des communistes. C’ est en fait une béquille utilisée pour se tenir loin des fantômes du réel et masquer un sentiment de culpabilité sous-jacent. Sentiment de culpabi-
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