du regardeur-consommateur. Toutefois, la
pénétration à laquelle s’adonnent les deux
interprètes de cette chorégraphie à mouvement unique et répétitif obéit à un autre
registre. L’acte sexuel tel qu’il est performé
dans Panic ne vise pas à stimuler le désir
du regardeur ; il n’appartient pas non plus
à un ordre économique. C’est un acte de
pure dépense qui n’est pas sans rappeler
un principe de don et de contre-don propre
aux sociétés traditionnelles d’Amérique du
Nord décrites par Marcel Mauss dans son
Essai sur le don et dont le lieu transactionnel serait ici le corps même des participants
et non celui d’objets. C’est une manière de
« lutte de générosité » qui est performée ici,
là où la lutte relève habituellement d’un
affrontement pour des questions de territoires et d’identités.
O
R
A
C
U
L
A
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V
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N
A
C
U
L
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Et ne nous y trompons pas : la finalité éjaculatoire assignée au type masculin de la lutte pour la domination, et que
l’apparition terminale du sperme à l’écran
marque nécessairement de son sceau victorieux dans le porno gay (mais aussi hétéro), est ici résolument évacuée. Dans
Panic, la tension du face-à-face inexorable
ne connaît pas d’acmé éjaculatoire visible
mais un principe d’épuisement qui atteste
d’une endurance performative – la scène
dure une heure trente de plan fixe sur un
geste unique mais aux variations subtiles.
L’acte sexuel est performé sur un mode de
négociation sans cesse réitéré dessinant
dans l’image cet espace d’échange fusionnel
qui dissout les catégories et les frontières
dans la pénétration des corps. Un espace
troublant et troublé, dans le cadre duquel la
3D, selon qu’elle est observée avec ou sans
lunettes de visionnage, invite le regardeur
à une immersion ou une dissolution dans
l’image qui pourrait contredire la déclaration de Roland Barthes dans ses Fragments
d’un discours amoureux : « l’image, c’est ce
dont je suis exclu. »
Aussi est-ce bien plutôt la sodomie,
voire la zoophilie – à laquelle renvoie le
groupe statuaire dont s’inspire la scène –,
qui relèvent d’une érotique subversive en
tant qu’elles ouvrent un espace altéré, une
béance dans la représentation, une invitation fusionnelle à l’adresse de l’Autre – et
qui par ailleurs échappe à l’ordre économique comme à celui de la