Studio visit
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Octave
Rimbert-Rivière
Par Joël Riff
Les machines vrombissent, des particules se dispersent en volutes, la couleur
éclabousse, du plâtre sèche dans les moules,
les outils servent, des résines libèrent leurs
effluves. Dans le bruit, sous les poussières,
Octave Rimbert-Rivière travaille.
Au cœur de l’atelier où évolue son
geste selon une chorégraphie fluide et millimétrée, l’artiste s’active, motivé par une
maîtrise d’exécution et par les surprises
de l’expérimentation. La virtuosité qui
caractérise sa technique ne peut que s’enrichir des souplesses que l’extrême rigueur
autorise. C’est ainsi que, dans le cadre le
plus strict, surgissent les émerveillements
garants d’une liberté de facture sans
laquelle celle-ci sombrerait machinalement.
Grâce à un savoir-faire flagrant, l’artiste
façonne des volumes découlant toujours
des problématiques de leur fabrication
même. Cette évidence structurelle assure
aux réalisations une stature inébranlable.
Ça tient.
Au cœur de l’atelier où s’affine son
expertise suivant les initiatives et les commandes, l’artiste œuvre, pour lui, pour
d’autres. Car il sait aussi mettre en forme
la matière pour ceux qui le sollicitent. Ses
professeurs les premiers firent appel à ses
talents, constatant dès l’école sa concrète
dextérité. C’est dans un rapport sain à la
besogne qu’il sût s’immiscer dans différentes étapes du circuit de la création. Cette
précieuse formation a forgé son professionnalisme, élève puis maître. Le schéma
d’un classicisme aujourd’hui peu courant
rend sa pratique d’autant plus estimable,
dans un contexte où peu savent faire. Lui,
fabrique tout. Chose rare.
Au cœur de l’atelier où grandit son
appétit constamment éveillé, l’artiste s’efforce de dupliquer le monde. De moulages en moulures, il entame un inventaire
comestible visant une ampleur encyclopédique. Cette faim transparaît dans l’onctuosité, les gammes, le glaçage de ses rendus,
sans s’interdire la frontalité d’un répertoire
justement alimentaire. Galettes, steaks,
paquet de chips, roqueforts et viennoiseries deviennent des motifs incontournables,
lorsque notre gourmet ne se repaît pas de
nourritures intellectuelles brassant différents degrés de connaissances artistiques,
monticules primitifs de glaise, mosaïque
cubiste et design italien. En confiance avec
ce goût aventureux, les surfaces minérales se
succèdent en un festin dont nous ne sommes
qu’à l’apéritif. C’est bon.
La porcelaine prend, des figurines
attendent leur tour, le four fonctionne, des
badigeons de latex se figent sur leur modèle,
le compresseur mugit, des zébrures d’émail
se superposent librement. Dans le bruit,
sous les poussières, Octave Rimbert Rivière
travaille.
Joël Riff est curieux.
SOUTH
Octave Rimbert-Rivière, Laughing of the pot, (glazed ceramic
with Jean-Jacques Dubernard’s decor, printed and glazed porcelaine.)
2015 / Production Moly Sabata
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