Our North
is your South
—
Sol Calero
lancée par Roosevelt dans les années 1930
afin de faire décroître le racisme anti-latinos – et, ainsi, préserver ses relations avec
les pays exportateurs de pétrole du continent
américain. Or, Sol Calero rappelle qu’à cette
période la construction d’une « image latino »
à Hollywood a en retour influencé les pays
d’Amérique du Sud – et particulièrement
ceux qui n’avaient pas une forte culture précolombienne comme le Vénézuéla.
Par Charlotte Cosson &
Emmanuelle Luciani
“I have called this ‘The School of the
South’ because in reality, our north is the
south. There must not be north for us, except in opposition to our south. Therefore
we now turn the map upside down, and then
we have a true idea of our position, and not
as the rest of the world wishes.”
Joaquín Torres García, The School of the
South, cité par Sol Calero pour « La Escuela del Sur » (Studio Voltaire, Londres)
Afin de décrire sa pratique, Sol Calero
expose souvent son parcours : artiste vénézuélienne émigrée à ses dix-sept ans en
Europe, celle-ci a eu la chance de pouvoir
suivre une carrière artistique. Au cours de
ses études en occident, elle a bien sûr reçu
un enseignement issu des recherches artistiques des années 1960. Pourtant, l’esthétique attachée aux œuvres conceptuelles et
minimales n’était pas sienne. De plus, elle
s’interrogeait : comment incarner le fait
d’être une artiste d’origine caribéenne ?
Afin d’y répondre, et poussée par le manque
de cours sur l’Histoire de l’art d’Amérique
latine, Sol Calero a souhaité entamer des recherches sur celle-ci. C’est par la suite qu’elle
a développé ce style qu’on lui connaît : fruits
tropicaux, environnements colorés, lieux de
vie populaires et chamarrés…
On pourrait penser que Sol Calero déploie une esthétique « purement caribéenne ».
Pourtant, à l’opposé de la dictature vénézuélienne en perpétuelle recherche d’identité
via la propagande et la censure, Sol Calero
approfondit les rapports d’inter-influences
entre les pays du Nord et d’Amérique Latine.
Elle aime citer la politique de bon voisinage
C’est de cette créolisation – pour emprunter le terme d’Edouard Glissant – à
double sens qu’est né le travail de Sol Calero. L’artiste explore l’exotisme affiché,
voire appuyé, du folklore vénézuélien. Le
« tropicalisme » semble patiné de consumérisme occidental. Sol Calero souligne ce
trait dans CONGLOMERATE, la chaîne de
télévision artistique qu’elle a montée avec
Christopher Kline1. Sa première diffusion a
été initiée par une telenovela jouant sur les
codes du kitsch espagnolisant. Ici, comme
ailleurs dans sa pratique, ce ne sont pas les
croyances ancestrales ou les motifs tribaux
qui sont mis en valeur, mais le pur visuel.
Les clichés occidentaux sur les tropiques
deviennent motifs.
Ces motifs, l’artiste les développe à
toutes les échelles ; et principalement au
sein de la sphère domestique. Ils occupent
l’espace, voire le créent de toute pièce. Des
environnements sont produits : une école
d’art plastique ou de salsa, une cahute au
sein du parc d’un immeuble, une salle d’attente, un salon de coiffure… Dernièrement,
son exposition Desde el Jardín a même pris
la forme d’une opulente hacienda où chaque
image d’Epinal d’une maison sud américaine (lit, salon, salle à manger…) est explorée. Le geste de Sol Calero est une prise
de possession de l’espace dans sa totalité.
Ces environnements se posent en faux
contre la notion de white cube sacralisée
dans l’art occidental. L’œil de l’artiste sou1
Article monographique de Clément Dirié sur
Christopher Kline dans Code magazine 2.0 n#7.
L’auteur y évoque notamment l’espace Kinderhook
& Caracas fondé avec Sol Calero à Berlin.
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